Justine & Léa

Bienvenue dans H comme Handicapé.e.s, le podcast qui donne la parole aux personnes handicapé.e.s parce-qu’on ne les entends pas assez. Pour ce troisième épisode sur le thème du tatouage, vous allez découvrir une discussion à trois voix avec cette fois deux invitées : Justine et Léa. Nous avons parlé de la réappropriation du corps par le tatouage, de la gestion de la douleur, ou encore de l'accessibilité des salons de tatouages...Un épisode un peu plus long que les précédents mais que j’ai pris beaucoup de plaisir à enregistrer et qui j’espère vous plaira autant qu’à moi, que vous soyez tatoué ou pas. TW : Cet épisode aborde le sujet des cicatrices de mutilation

Déjà est-ce que vous pouvez vous présenter un petit peu ?

Justine : Bonjour, donc moi c'est Justine, je suis Belge, j'ai 35 ans. C'est toujours un peu la question piège se présenter, on ne sait pas jusqu'où aller, quoi dire, quoi ne pas dire... Je suis née avec une maladie neuro-musculaire dont on n'a pas encore vraiment trouvé, ce dont il s'agissait. Et voilà, j'ai une formation de journaliste, et j'ai animé pendant quatre ans une émission de radio sur la thématique des handicaps, justement.

Léa : Donc moi je m'appelle Léa. Donc bonjour à tous. J'ai 25 ans, je suis conseillère principale d'éducation dans un collège. Donc je suis CPE depuis septembre 2020. J'ai été diagnostiquée il y a quelques mois avec un trouble de la personnalité borderline, un trouble bipolaire de type deux et des troubles du comportement alimentaire. Donc voilà, c'est un handicap plutôt invisible puisque...Voilà, si je ne le dis pas, personne ne peut le deviner.

Quel a été votre premier contact avec le monde du tatouage ? Et qu'est-ce qui vous a plu dans ce... dans ce milieu là ?

J : Moi je ne me souviens pas vraiment ce qui m'a amené vers le monde du tatouage. Du coup mon premier souvenir c'est cette envie de moi, exprimer quelque chose via l'art du tatouage. Donc cette réflexion autour de quoi faire ? Pourquoi le faire ? Où le faire ? etc... Mais ce qui m'y a amené, je me souviens pas avoir eu beaucoup de personnes tatouées autour de moi. Moi je viens à la base plutôt d'un petit village, où il y a plutôt des personnes âgées pas tatouées. Donc le premier contact, je ne saurais pas vraiment te dire, ce qui m'a attiré et comment j'ai découvert ça. Mais en tout cas j'ai très vite et très jeune su que, voilà c'était une forme d'art via laquelle j'avais envie de m'exprimer en tout cas.

L : Euh pour ma part j'dirais que c'est quelqu'un plutôt qui m'a permis de découvrir déjà le monde du tatouage dans sa globalité. Donc c'est ma fiancée. Qui était déjà tatouée quand je l'ai rencontrée. Donc euh...Donc moi aussi j'suis issue d'un milieu un peu rural où il y a plus de personnes âgées que de personnes tatouées, donc je ne connaissais vraiment pas le milieu. Et en fait, au cours d'un voyage à l'étranger, j'ai été amenée à me faire tatouer. Et c'est là vraiment où j'ai pris conscience que...Bah comme l'a dit ma camarade, que l'art et le fait de se faire tatouer, de se faire encrer quelque chose pouvait permettre d'exprimer une émotion, autrement que par des mots, en fait. Et c'est là où vraiment j'ai compris que je pouvais me réapproprier mon corps en racontant mon histoire. En racontant ce que je voulais raconter de personnel autrement que par des mots. Et plutôt avec des images, colorées en noir et blanc, peu importe. Donc c'est vraiment avec mon premier tatouage hors de France, que j'ai découvert le tatouage. Et c'est là où j'ai du coup réalisé mon premier tatouage. Et où je me suis du coup réapproprier mon corps en me disant, vraiment, c'est mon corps, je peux en faire ce que je veux. Et je peux exprimer grâce à ce corps là, à ce support là, quelque chose de purement artistique , et de purement personnel.

Ca fait une super transition avec la prochaine question parce-que t'en a déjà un peu parler, mais...Est-ce que le tatouage a changé votre rapport au corps, ou à la douleur ?

J : Moi oui. Avant le premier tatouage je ne me suis pas trop posé la question. Je m'inquiétais un peu de savoir si ça allait faire mal mais voilà...Mon premier tatouage fait presque l'entièreté en hauteur d'un de mes avant bras. Et la personne a juste fait une petite partie donc je...Je me souviens que je l'ai laissé continuer, donc c'est que j'ai pas dû avoir si mal que ça. Donc je ne me souviens vraiment pas, d'à quel point et si ça m'a fait mal la première fois. Mais c'est vrai que je me suis dis, moi avec ma maladie...Qui est aussi finalement un handicap invisible, puisque je peux la plupart du temps me déplacer debout, sans aide, etc... J'ai des douleurs 24h/24 dans l'entièreté du corps. C'est des douleurs que je subis. Que j'ai pas choisis, elles sont là, j'ai pas le choix. Ca s'accompagne parfois de maux de têtes, ou d'autres douleurs...Si je dois rajouter par dessus d'autres examens médicaux, c'est encore de la douleur que j'ai pas vraiment le choix, que je dois rajouter. Et je me suis rendu compte après mon premier tatouage, et au fil des tatouages que...Ça me permettait de m'exprimer, mais...Ca peut paraître bizarre pour des gens aussi, que c'était une douleur... que je maîtrisais. Je ne vais pas dire que je l'appréciais, mais au moins c'est moi qui l'avait choisie. C'est moi qui décidais, j'étais parfaitement consciente de ce que ça allait me faire, et c'était plus quelque chose de subi, et en en plus du fait de mon parcours médical. Donc c'était vraiment...Voilà c'est devenu quelque chose, un intérêt, une passion pour cet art du tatouage. Et ce qui avec, bah oui un tatouage ça fait quand même toujours un petit peu mal, quelque soit la résistance qu'on a. Mais au moins, bah on l'a choisi. On l'assume entre guillemets on le "domine" si j'peux utiliser ce mot là. Moi c'est vraiment, voilà quoi. J'en fais un petit peu...C'est un peu comme ça que ça s'est tourné mon rapport à la douleur dans ce cadre là. Je me suis dis voilà : au moins il y a une partie de ma vie, un compartiment de ma vie où j'ai mal mais entre guillemets c'est de ma faute, c'est moi qui l'ai choisi, c'est moi qui le décide. Je peux m'en vouloir qu'à moi même et c'est un peu reprise...Reprendre le contrôle sur ce critère douleur qui la plupart du temps, dans le reste de ma vie ben... Arrive sans que je puisse faire quoique ce soit.

L : Ben c'est vrai qu'il y a cette idée de...De controle un peu, de choisir, jusqu'où je suis capable d'accepter la douleur qui est imposée par le tatouage. Euh, moi dans la douleur par rapport au tatouage j'suis plutôt dans la maîtrise parce-que je suis presque en état de méditation quand je me fais tatouer. Par rapport à mes troubles psychiatriques, je suis amené régulièrement à faire des crises de mutilation, donc là c'est une douleur qui...Qui est complètement différente. Et quand je compare au tatouage, les gens ne comprennent pas pourquoi je ne ressens absolument aucune douleur quand je me fais tatouer, parce-que j'suis quasiment en état de méditation. Il arrive parfois que je m'endorme, quand je me fais tatouer. C'est...C'est vraiment il n'y a pas de douleur pour moi quand je me fais tatouer parce-que, je sais quel est l'impact positif, et l'impact psychologique positif que ça va avoir sur moi, sur mon rapport au corps, sur...Voilà, comment je vais me voir plus tard dans le miroir, comment je vais me sentir quand je vais me regarder...Donc en fait, tout l'aspect douleur que ça peut avoir pour certaines personnes, moi c'est complètement occulter et du coup physiquement, je ne le ressent pas. Euh, et donc du coup pour en revenir à la question "Est-ce que le tatouage a changé votre rapport au corps ?" Oui clairement moi, oui. Parce que toutes les cicatrices que ça a pu laisser sur mon corps du fait des mutilations...Euh, la plupart des cicatrices que j'ai pu avoir, je les ai fait recouvrir. Donc j'ai fait ce qu'on appelle des "scar cover" . Et...Et déjà mon regard a changé sur moi parce-que...Moi je vois toujours les cicatrices, je vois toujours les marques, mais je vois aussi tout une histoire qui est raconter par dessus ces cicatrices là, et je vois tout un parcours. Que j'ai réussi à... A combattre, sur lequel j'ai réussi à me relever dans ce parcours-là. Mais il y aussi tout le rapport... Le regard que les autres peuvent porter sur ce corps là. Quand les gens voient des cicatrices, et quand les gens voient des tatouages...Euh, même si les deux regards ne sont pas forcément agréables, les deux regards sont quand-même différents. Et donc forcément, enfin en tout cas dans mon cas personnel, ça a clairement changer le rapport que j'avais...Le rapport que je me porte à moi, est complétement différent depuis que j'ai découvert le tatouage. Et depuis que, que j'accepte en fait l'image que je vois de moi. A chaque nouveau tatouage, je vois une nouvelle personne en fait. A chaque nouveau tatouage, c'est comme si j'avais tourné une nouvelle page, et je me dis : J'ai réussis à passer cette étape là dans ma vie, donc je peux me le faire encrer sur mon corps. Et donc c'est un combat de gagner supplémentaire. Voilà. Pour moi...Du coup voilà, c'est pour ça que ça change le rapport que j'ai pu avoir avec mon corps. Entre les troubles du comportement alimentaire qui changent, bah...voilà mon corps, un coup plus gros, un coup plus mince, etc...Et entre les cicatrices...C'est vrai que, d'un point de vue réappropriation de son corps, et d'un point de vue estime de soi...Moi le tatouage a clairement permis de créer un tournant majeur dans ma confiance en moi, et dans ce que je pouvais renvoyer aussi. L'image que je renvois de moi n'est pas du tout la même depuis que je me suis fais tatouer et depuis que j'ai appris à...A me voir autrement en tout cas.

Ouais c'est hyper intéressant, et je me reconnais vachement dans ce que vous dites toutes les deux parce-que moi aussi ça a été...Ca a été vraiment hyper bénéfique. Notamment avec le tout premier tatouage que j'ai fait. Donc je l'ai fait sur...Sur mes jambes. A côté de cicatrices qui viennent d'une opération que j'ai eu quand j'étais plus jeune. Et en fait c'est cicatrices, je les ai cachées pendant des années. Enfin, j'étais du genre à porter des jeans en plein Eté par trente degrés parce-que je voulais pas montrer ces cicatrices. Et...Et c'est vrai que ça a été une belle revanche après. Maintenant je suis limite fière de montrer mes jambes. Vraiment j'suis passé d'un extrême à l'autre quoi, donc c'est hyper positif. Et aussi ouais, ce que tu disais Justine sur choisir la douleur. Et...Et choisir d'avoir une aiguille planter dans la peau et que ce soit pas des chirurgiens ou des médecin qui l'ai décider à ta place. C'est aussi vraiment génial comme sentiment. Ouais quand je suis sortis...Quand je suis sorti de chez le tatoueur...De chez la tatoueuse pardon. Mon premier tatouage a été fait à Nantes, par l'Androgynette qui est une tatoueuse absolument géniale. Que je recommande à tout le monde d'aller voir, parce-qu'elle est, elle est incroyable que ce soit au niveau du tatouage ou humainement. Elle est absolument géniale. Et ouais...Et quand je suis sorti du salon, je suis rentrée à mon airbnb, et j'ai juste...Pleurer toutes les larmes de mon corps. Parce-que il y avait vraiment un sentiment de...d'accomplissement et de...Voilà c'est bon je l'ai fait, et maintenant je peux passer à autre chose. Enfin, il y avait vraiment une étape de franchie. Et c'était hyper hyper libérateur.

L : Et, si je peux me permettre d'ajouter quelque chose c'est que...Il y a vraiment une démarche aussi dans le tatouage qui est réflexive. C'est que le tatouage c'est pas juste l'acte de se faire tatouer. C'est qu'il y a tout...Tout ce qui est avant. Donc déjà, tous les complexes qu'il y a avant, sur lesquels on essaye de travailler en amont depuis des années et des années. Mais il y a aussi toute la recherche...Visuelle. Qu'est-ce qu'on veut faire passer comme message. Qu'est-ce que nous on a besoin de voir au quotidien, quand on se voit dans le miroir ou quand on voit le tatouage de quoi on a besoin pour...Voilà pour garder cette démarche positive. C'est tout une démarche qui demande du temps, qui demande parfois plusieurs mois, parfois plusieurs années pour faire le bon tatouage. Pour que ça reste...Pour que ça reste quelque chose de positif et de...Ouais de dynamique quoi. Qu'on reste dans une démarche dynamique et qu'on le regrette pas.

Ouais puis il faut aussi du temps pour...Ouais pour vraiment savoir ce qu'on veut faire, et puis aussi pour sauter le pas quoi. Ce qui d'ailleurs nous amène à la prochaine question. Qui est : Avec quel tatouage vous avez sauté le pas ? Et pourquoi celui ci en particulier ?

J : Moi, mon premier tatouage il est sur mon avant bras droit, sur l'intérieur. Et j'ai mis...Entre le moment où j'ai voulu me faire tatouer et le moment où j'ai été tatoué, il y a dix ans. Donc les gens me disent toujours "wouah c'est un lapse de temps extrêmement long mais...J'ai encore eu récemment des gens, un peu jeunes autour de moi qui me disaient "ouais je vais faire un tatouage, je sais pas trop quoi". Mon discours c'est toujours celui là, de vraiment bien réfléchir. Parce-que comme disait Léa, il y a cette recherche du message, de l'artistique etc...Tous les tatoueurs ne font pas tous les styles etc...Et donc au moment où j'ai fais mon premier tatouage...J'étais...J'avais fais en stage, dans le cadre des mes études de journalisme, au sein d'une radio associative ici à Liège, qui est la ville en Belgique, où je vis. Et où j'ai été bénévole, jusqu'à l'année passée donc on va dire pendant, 13-14 ans. Et où il a vraiment...Il y avait vraiment une ambiance famille. Et où c'était un peu l'impression pour la première fois de trouver ma place. Parce-que moi j'ai fait mon coming out très jeune, j'ai vécu du harcèlement à l'école aussi bien en primaire qu'en secondaire. Alors pour les Français, primaire, secondaire, ça ne dit peut-être rien, mais je ne connais pas l'équivalence de niveau chez vous. (rires) On va dire jusqu'à mes...Jusqu'à mes 15-16 ans. Et puis ouais, avec la maladie je prenais énormément de poids. Il y a pleins de chose qui faisait que je trouvais pas ma place, j'étais pas... j'étais pas bien dans mon corps, j'étais pas bien dans le monde autour de moi. Et est arrivé le stage, et puis le bénévolat dans cette radio, où j'me suis vraiment trouvé une seconde famille. Et on était très proche, on faisait des soupers les uns chez les autres...C'était vraiment...Et donc voilà, j'ai eu envie de transcrire ça sur mon bras, et donc j'ai un casque de radio, qui est mon casque de radio, en dessous du quel il y a une partition qui descend comme ça, le long de mon bras...Voilà vers le bas avec une petite étoile, des notes de musique...Il est assez simple, c'est le tout premier. Il y a des gens qui se lancent pas forcément dans les...Dans les plus grosses pièces dès le début mais...Voilà moi il transmet vraiment, il transpire vraiment cette époque de ma vie qui m'a permis de trouver pour la première fois un endroit où voilà...On me jugeait pas, on me prenait tel que j'étais et...Et où j'étais heureuse et j'étais bien quoi.

L : Alors moi du coup les premiers...Alors en fait c'était un double tatouage. Le premier que j'ai fais c'était en convention. C'était la convention de Clermont-Ferrand. Donc je me suis fait tatoué par l'artiste nag.tatouages, je sais pas si vous connaissez, mais c'est une excellente tatoueuse aussi. Et comme tu l'as dis tout à l'heure pour l'Androgynette, aussi bien artistiquement qu'humainement elle est très ouverte et...Très clean, très clair, et elle est vraiment accessible. Et en fait, j'avais pas encore le diagnostique donc je me sentais différente, je me sentais pas bien dans mon corps, je savais pas trop qui j'étais. Et...J'avais déjà conscience de mes phases. Vous savez dans le trouble bipolaire il y a des phases dépressives des phases maniaques. Donc j'avais déjà conscience de ces phases là et j'avais toujours des mois ou des périodes où j'avais profondément envie de mourir, et d'autres mois où j'avais profondément envie de vivre. Et donc j'oscillait en permanence entre ces phases-là, donc j'avais envie d'ancrer ça dans mon...sur mon corps parce-que c'était ce que j'étais à l'époque. Et ce que je serai à vie du coup, depuis le diagnostic. Et donc j'ai choisis de faire encrer sur mon mollet droit...Un cœur fané. Donc remplis de barbelés, un cœur brisé, avec des flèches...Voilà, un cœur un peu, un peu mort. Et de l'autre coté sur le mollet gauche, un coeur fleurit...Qui retrouve un peu la vie, qui renait, qui retrouve des objectifs un peu plus stables. Et l'objectif c'était...Voilà, dans ce tatouage là de, bah de montrer un peu cette ambivalence entre les phases maniaques et les phases dépressives. Donc personne ne sait que, que ces tatouages là représentes ces deux phases là. Mais pour moi ça a été le premier tatouage vraiment très significatif et vraiment...Qui m'a beaucoup parlé, et qui m'a permis...Qui m'a permis de libérer beaucoup de choses sans rien dire, en fait. Là où souvent on souvent d'utiliser beaucoup de mots pour expliquer des choses qu'on arrive pas forcément à comprendre nous-même ni à expliquer forcément nous même. Là le simple fait de, de, d'avoir ces deux tatouages sur mes mollets, ça m'a permis d'exprimer beaucoup de choses sur qui j'étais, et sur qui je suis. Et, et voilà, c'est les deux premiers tatouages, d'une logue liste qui m'attend encore (rires)

(rires) C'est clair. Une fois que tu commences, c'est dur de s'arrêter après. Alors, du coup maintenant j'aimerais qu'on parle...De ces inconnu.e.s dans l'espace public et dans la rue, qui sorti de nulle part vont un peu te demander des comptes rendus sur tes tatouages. Parce-que moi avant de me faire tatouer, je connaissais déjà ces personnes qui te demande dans la rue : " Pourquoi t'es handicapé ? Et "Pourquoi t'as un fauteuil ? Et "Qu'est-ce qui t'est arrivé ?" Et c'est déjà très chiant. Déjà les personnes valides qui nous écoutent, arrêtez de faire ça s'il vous plaît. C'est juste intrusif, et inapproprié. Donc arrêtez s'il vous plait. Donc ouais, je connaissais déjà ça, et ensuite après m'avoir fait, m'être fait tatouer, j'ai découvert encore ces autres questions intrusives, et totalement hors contexte. Du coup, est-ce que vous vous avez déjà eu droit à ce genre de, de questions ?

J : Ouais j'pense que...C'est obligatoire. Déjà le truc que je trouve assez drôle c'est qu' on vit dans une société où il y a pleins de gens qui sont sur les réseaux sociaux à se mettre des filtres sur leurs photos, et dans la vie ils ont aucun filtre. C'est-à -dire qui...Il estiment qu'ils veulent savoir, donc ils vont te poser des questions...Mais sur toutes les situations de la vie, sans réfléchir un peu plus loin à ce que ça peut te faire à toi. Et est-ce qu'ils ont, est-ce qu'ils ont à savoir quelle est ta vie et le pourquoi du comment.  Alors moi, toucher mes tatouages ça non. Personne ne le fait, à part des enfants qui se demandent...Voilà j'ai des neveux et nièces, ou des enfants en bas âge qui...D'ailleurs j'étais en réunion de famille une fois avec un, un neveu de mon épouse, et qui...Et qui au bout d'un petit moment à regarder mes bras, bah il a sorti un bic, et puis il a commencé à dessiner sur les siens. Parce qu'il voulait...Il voulait un peu la même chose. (rires)
Ouais sauf que après je me suis fait engueuler moi par la maman, qui m'a dit "Ah t'aurais pu mettre des manches longues!" et tout...Voilà. Donc toucher les tatouages nan, c'est plutôt les enfants qui se demandent si ça fait mal, si ça touche quelque chose. Parce-que la peau ressemble...'fin est différente. Maintenant les questions, oui : "Et quand tu sera vieille ?" Bah quand on est vieux, j'trouve qu'on est un peu tous fripées, mois j'serai fripée avec classe quoi. Puis "Est-ce que t'as eu mal ? Et "Est-ce que tu vas en refaire ?" Et "Qu'est-ce que ça veut dire ?" Et...Moi je pars du principe que mes tatouages...Donc j'en ai que sur les bras. Parce-que je veux les voir, et c'est le seul endroit qui...'Fin j'suis jamais en jupe, en short...Donc les seuls endroits que moi je vois en permanence, c'est mes bras. Donc j'en ai quatre, j'en ai cinq pour le moment, ils sont sur mes bras. C'est un peu un journal intime, ouvert à tous mais codé. Donc les gens voient ce qu'il y a sur mes bras, mais ils ne savent pas exactement ce que ça veut dire. Et donc généralement quand ils me posent la question je leurs dit : Voilà, ce que toi tu vois c'est peut-être ça, c'est peut être pas ça" Ca dépend qui, parfois j'explique. Mais... Mais c'est vrai que oui "Ca a fait mal ?" "Ca a durer combien de temps ?"
Maintenant ça peut avoir un côté pédagogique pour des gens ou...Parfois j'ai des ados autour de moi qui veulent se faire tatouer, qui n'ont pas vraiment conscience de ce que c'est, de comment ça se fait. 'Fin quand tu dis à quelqu'un "Concrètement on rentre l'aiguille dans ta peau, et tout le long de la ligne il déchire ta peau, et il ressort l'aiguille au bout" les gens ils pensent que c'est du picotage le tatouage quoi. Il ne savent pas comment on fait, Ils...Puis c'est toujours les mêmes quoi. C'est toujours les mêmes. "Tu vas t'arrêter quand ?" "Tu trouves pas ça moche ?" "T'as pas peur que, qu'on te refuse un job ?"

Ah la fameuse !

J : Ouais la fameuse. Moi, voilà là je travaille depuis euh trois ans. J'ai jamais caché mes tatouages, ma cheffe ne m'a jamais demandé de cacher mes tatouages, même à des événements. On organise parfois des galas  ou des choses comme ça... J'ai ce réflexe de régulièrement relever mes manches, puisque avec ma maladie j'ai un problème de gestion de la chaleur du corps. Donc euh, j'ai soit trop chaud, soit trop froid. Donc je passe mon temps à relever mes manches, les enlevées, les relevées etc...J'ai jamais eu de remarques à ce niveau là dans le milieu professionnel. A mon ancien boulot, j'avais un collègue qui était tatoué du cou aux chevilles. Il y a que les mains j'crois, les pieds et la tête qu'il avait pas encore fait. Et ça a jamais posé de problème non plus. J'pense que tout doucement ça rentre un peu plus dans...Dans, dans,dans...Voilà dans la culture des gens. Mais c'est vrai que, il y aura toujours ces personnes qui nous diront : "Quand tu sera vieille tu sera moche" "fin ce genre de choses...On y coupe pas quoi. C'est presque des classiques. On pourrait faire des tops, des questions les plus posées sur les tatouages.

L : Moi la, la petite anecdote qui m'avait fait beaucoup rire, c'était, c'était très, très gentillet parce-que c'était pas conscient, c'était pas méchant. C'est la grand-mère de ma fiancée aussi qui, un jour, a pris mon bras. Parce-que moi je suis beaucoup tatouée pour le coup, des pieds, des pieds au coup. Et, et elle a pris mon bras, et elle a frottée, frottée, frottée,jusqu'à ce que...Jusqu'à ce que ça parte. Et elle me dit "Mais quand est-ce que ça va partir ?" alors je lui dit "Bah ça ne partira jamais, ce n'est pas du dessin, c'est un tatouage"

J : (rires)

L : Ah elle été catastrophée d'apprendre que ça resterait à vie. Voilà donc ça c'était une petite anecdote mignonne parce-que c'était...C'était innocent. Mais euh, sinon j'ai beaucoup de...J'ai pas eu beaucoup de gens qui m'ont touché...Sans mon consentement. Par rapport à mes tatouages. Heureusement parce-qu'alors là j'aurais dégou...J'aurais dégoupillé. Par contre c'est vrai que les questions intimes, et les questions indiscrètes concernant la signification, ça c'est à chaque fois. " Qu'est-ce que ça veut dire ?" "Pourquoi à cet endroit là ?" "Pourquoi cet artiste là ?"... Alors les pires questions moi que je trouve gênantes c'est les scar cover. C'est à dire que déjà on va me poser la question de pourquoi j'ai...Pourquoi j'avais ces cicatrices là ? D'où elles viennent ?  Et pourquoi ? Et comment ? Et quand ? Et où ? Ensuite on va me poser la question de "Pourquoi avoir choisi ce tatouage là, pour recouvrir cette cicatrice là ?" Donc on rentre dans une dimension très personnelle de ma vie, et de, de mon parcours, que j'ai pas du tout envie d'étaler. Puis quand on est pris de court par ces questions, c'est vrai que c'est pas toujours évident de...De botter en touche. Fin des fois je sais pas quoi répondre. Alors, souvent je, je réponds que ça ne les regarde pas,et que je n'ai pas envie de développer. Mais c'est vrai que le coté sans filtre, comme disait Justine. Le coté sans filtre des gens, qui osent poser des questions aussi intimes qu'on ne poserait même pas à quelqu'un qu'on ne connaît pas d'habitude. C'est tellement déconcertant que, bah parfois, j'en reste bouche bée, et je suis bloquée, et j'arrive pas à répondre. Après j'ai remarqué moi, dans le cadre de mon travail que, avant d'être CPE, j'étais AED. Donc AED c'est Assistante d'Éducation. C'est surveillant dans des établissements scolaires. Et là, le fait que j'avais des piercing et des tatouages, ne plaisait pas du tout, dans les établissement où j'étais il fallait que je les cache. Et depuis que je suis cadre, depuis que j'ai eu mon concours. Comme j'ai changé de statut, j'ai pas du tout le même regard. J'ai pas la même position sociale, j'ai pas le même statut social, donc du coup on ne me regarde pas de la même façon. Alors souvent, quand on me voit avec des tatouages, on me regarde un peu bizarre. On doit se dire intérieurement "Ah elle est cadre, et elle a des tatouages. C'est particulièrement bizarre". Mais du coup on ose moins...On ose moins me faire de remarque, parce-que je suis cadre. Mais ce qui en dit quand-même long sur la société et sur la mentalité des gens. C'est que quand tu es cadre on ne te fait pas de remarque, mais quand tu n'es pas titulaire on t'en fait. Donc il y a un coté...Un coté de...Voilà le choc des cultures, et voilà, on se permet des remarques quand tu ne, quand tu n'es pas titulaire. Et ça c'est un côté qui m'énerve profondément. Pour le moment je touche du bois, je n'ai pas eu de remarques depuis que, depuis que je suis CPE sur mes tatouages, et je ne les cache pas. Et, je je n'en fais pas non plus...Je ne suis pas nue non plus quand je vais au travail, pour ne pas non plus les montrer. Mais je ne les cache pas, comme je pouvais le faire quand j'étais assistante d'éducation avant. Et c'est vrai que ça a un côté pédagogique parce-que, les professeurs d'arts plastique par exemple peuvent s'en servir pour travailler avec les, les élèves. Sur les dégradés de couleurs, sur les techniques, le réalisme, le néo-traditionnel, ce genre de choses. Donc euh, en fait selon l'ouverture d'esprit des gens, ça va avoir un apport bénéfique, ou pas.

Moi j'ai, j'ai deux petites anecdotes là-dessus...La première c'était à la Pride de Montpellier,il y a deux ans je crois. Donc j'étais en short, et il y a deux personnes qui arrivent et qui me demandent : "Mais pourquoi tu l'as fais dans ce sens là ?" Parce-que le tatouage il est dans mon sens, pour que moi je puisse le lire. Et je leur ai répondu : "Bah, parceque je l'ai fait pour moi". Et elles m'ont dit du tac au tac : "Mais non tu l'as fait pour nous !" Et du coup j'ai répété : "Bah non je l'ai fait pour moi" "Ah ok d'accord" . Et elles sont parties comme ça. Et j'ai trouvé ça tellement...Ouais, j'ai même pas les mots (rires). Parce-que, ben voilà quoi, j'suis quand-même monté jusqu'à Nantes. J'habitais à Lyon à l'époque. J'ai fait Lyon-Nantes, pour me faire tatouer. Après, il y a le, le prix du tatouage, le temps de la séance, payer les transports, l'hébergement, tout.  Et oui, et après je vais le faire pour les gens bien sûr. Et non non, je fais pas ça pour me, pour me la péter auprès des gens quoi. C'était...C'était assez, ouais, déconcertant comme remarque.

J : C'est un peu le concept, des gens qui te disent "Tu vas pas regretter d'avoir fait ce tatouage là ou ce design là à un moment ?" Mais on...On s'est pas lever un matin en voyant un logo dans la rue, en se disant, je veux me le mettre sur l'épaule quoi, c'est...Si, il y a des gens qui font ça, il y a des effets de mode, comme il y en a partout. J'veux dire, on a tous vu ces gens avec des étoiles sur les coudes comme Quentin Mosimann,les filles qui ont des clés de sol, ou ceci,ou celà...Il y a des gend...Mais, généralement quand tu fais des grosses pièces comme ça surtout, c'est réfléchi, ça veut dire quelque chose. Et au final, quand bien même on le regretterait c'est quand même notre bras.

L : Quand bien même tu le regretterais dans dix ans, si tu l'as fait sur le moment c'est que, à l'instant où tu l'as fait, il te paraissait nécessaire de le faire. Donc euh...Et puis c'est tellement personnel. Si tu le regrettes dans quinze ans c'est ton problème, c'est le problème de personne d'autre. Après tu verras dans quinze ans si tu veux faire un cover ou si tu veux faire autre chose, mais...Et les gens c'est vrai que, comme tu le disais Hermine...Il y a un aspect, il y a toujours une...J'ai l'impression, un aspect dans le tatouage, où les gens pensent que c'est toujours purement esthétique. Où ils se disent que c'est pour...Un peu dans le m'as tu vu. Voilà, montrer, se montrer, se faire voir, se faire remarquer par quelque chose d'ancré sur son corps. Et à aucun moment, enfin...Pour certaines personnes, à aucun moment les gens peuvent se dire que c'est, que c'est...Une démarche thérapeutique. Moi le tatouage c'est clairement une démarche térapetique, en complément de mes suivis thérapeutiques. Et donc ça rejoint un peu la, la question qu'on a osé te poser "Pourquoi tu l'as fait dans ce sens ?" Mais...Je suis un peu choquée de cette question. C'est que, 'fin c'est tellement personnel, et c'est tellement...Oui un tatouage c'est tellement personnel et intime que c'est pas une question qu'on est censé poser quoi. C'est pas pour les au...C'est pas pour les autres qu'on le fait. C'est vraiment pour soi, corporellement, physiquement, psychologiquement...C'est vrai, il y a des questions, on se demande pourquoi en 2021 il existe encore ce genre de questions.

C'est clair. Et ouais, et j'ai une deuxième anecdote. Cette fois j'étais en Angleterre, j'étais dans une gare, genre je rentrais dans un ascenseur avec mon fauteuil. Et juste derrière moi il y a une dame qui arrive avec une poussette puis qui d'un coup...Du coup, moi j'étais pas face à elle. Je ne l'ai pas vu arriver quoi vraiment. Et d'un coup elle se penche vers moi, et elle me demande genre "Est-ce que c'est un tatouage ?". J'avais une jupe, et limite elle a un peu soulevé ma jupe, pour voir le tatouage quoi. Vraiment je l'ai pas vu arriver, enfin c'était, c'était hyper intrusif. Et j'ai pas du tout aimé ce moment là.

J : Mais déjà la question "Est-ce que c'est un tatouage ?" Non c'est une tâche de naissance. Enfin ça se voit quand même ! (rires)

L : Puis oser soulever le vêtement de quelqu'un sans son consentement...Juste pour vérifier une information que tu juges toi,utile de vérifier. Alors que tu as même pas demander l'autorisation de la personne concernée, c'est...C'est d'un manque de respect inouï quoi.

C'est clair ouais. Je pense que c'est important de rappeler que le consentement ne disparaît pas avec les tatouages. Il part pas en dessous des tatouages, il est toujours là. Et il faut demander avant...Avant de faire quoique ce soit

Alors question suivante. Est-ce que vous avez été confronté à des problème d'accessibilité, ou est-ce que par exemple on a déjà refuser de vous tatouer ?

J : Moi non. Enfin moi...Au niveau de l'accessibilité non. Comme je le disais, ayant un handicap invisible, me déplacent majoritairement en marchant...A part la dernière fois...La dernière pièce qui s'est faite en deux fois tellement ça a duré longtemps. Je l'ai d'abord fait en convention avec la tatoueuse, et puis j'ai du aller dans son studio qui est totalement de l'autre côté de la Belgique. Et là c'était un studio au fin fond d'une cour, avec des vieux escaliers..J'ai un peu galéré à monter jusque là mais..A part ça non. Et refuser de me tatouer...On m'a déjà posé la question. Et je me suis posé moi-même la question. Et je réagis d'ailleurs, après chaque tatouage j'ai une crise de douleur d'environ deux semaines, au niveau du membre qui a été tatoué. Donc comme si on m'avait un peu...On s'était un peu servis de mes bras comme punching-ball, c'est à chaque fois...Mais, encore une fois c'est moi qui l'ai décidé et je le sais, mais on m'a jamais dit non. Parce-que en plus il se voit pas, donc si j'en parle pas, les tatoueurs peuvent pas savoir. La dernière tatoueuse elle était vraiment...Voilà on a vraiment beaucoup discuté parce-que j'ai fais un tatouage à symbolique un peu anti-validisme avec un message dans cette portée là. Donc on a beaucoup discuté de mon handicap, des handicaps en général, enfin de cette thématique. Mais sinon en général je le dis pas, donc forcément il n'y a pas trop de questions par rapport à ça.

L : Moi c'est un petit peu pareil, étant donné que j'ai un handicap invisible, si je ne le dit pas, personne le voit, personne ne peut le deviner donc...À partir du moment où je peux me déplacer toute seule en marchant, l'accès au shop est très facile pour moi. Après j'ai la chance aussi d'avoir rencontré des tatoueurs qui ont été très compréhensifs parce-que j'explique beaucoup...Je prends beaucoup le temps moi pour trouver mon tatoueur...Je passe beaucoup par le dialogue, et j'explique la signification de chaque tatouage, et j'ai à coeur de faire en sorte que le tatoueur comprenne parfaitement bien la signification du tatouage pour qu'il puisse me le...Me le tatouer correctement. Et donc là récemment ça a été des tatouages en lien avec la bipolarité, la personnalité borderline donc...Là le, bah le tatoueur a été obligé de...Bah de prendre en compte du coup ce handicap. Et il a été très très compréhensif, il n'a pas posé de questions indiscrètes il a pas... Il a été très très bien. Euh par contre ma belle mère qui a été dans ce, dans ce même shop récemment, et qui pour le coup venait de se faire opérer des genoux et qui a un handicap physique. Là elle s'est retrouvée un peu confrontée à un accès difficile puisque le...Bah le tatoueur, tatou au sous sol. Donc il y a deux étages à descendre. Sachant qu'elle ne marche...Qu'elle marche très très mal toute seule. Voilà, là la question de l'accessibilité physique se posait, donc ça a été compliqué. Il a fallu anticiper, se poser la question de comment elle allait descendre donc...Et là par exemple le shop, dans lequel je suis allée récemment,la porte d'entrée, tout simplement la porte d'entrée ne permet pas d'accueillir quelqu'un qui est en fauteuil roulant. Parce-que la porte d'entrée est trop petite. Donc voilà, l'accès pour les personnes, ayant un handicap invisible...se fait normalement, j'ai tendance à dire. Mais l'accès pour les personnes ayant un handicap visible, par exemple pour les fauteuils roulants. Là, dans ce shop là en tout cas, n'est pas possible. Donc, j'ai déjà vu des personnes en fauteuil roulant dans ce shop là, être reçues à l'extérieur. Ce qui pose quand même question de la...Enfin, franchement c'est quand même très limite, d'un point de vue égalité, d'un point de vue respect...C'est quand même franchement limite.

J : C'est vrai qu'en y réfléchissant...Quand je vois les shops de tatoueurs, de tatoueurs que je connais ici où j'ai été. Ils cherchent toujours ce côté un peu "vintage" du lieu, on dirait, pour certains. Et de fait vintage ça fait un vieux truc mal adapté avec un escalier rouillé dans un coin...Moi les shops que j'ai en tête c'est...C'est vrai que, moi j'ai jamais du aller me faire tatouer à un moment où j'étais particulièrement en crise, et où j'avais besoin de mon fauteuil roulant. J'ai moi, pu y avoir accès, mais c'est vrai que je pense que j'ai pas mal d'amie.s qui...A qui ça poserait problème d'aller dans les sh... Dans les endroits où moi j'ai l'habitude d'aller.

Ouais, j'pense que c'est, ouais, c'est important de rappeler que, les salons de tatouages ne sont pas exclus du manque d'accessibilité. Pour mon dernier tatouage, j'ai dû carrément monter deux étages, en marchant. Parce-que c'était un vieux bâtiment, et qu'il n'y avait pas d'ascenseur et...Et voilà j'ai pu le faire, ben parce-que...Donc, je me déplace en fauteuil roulant mais je peux aussi marcher un petit peu. Et donc j'ai pu le faire parce-que il y avait une rampe et que le tatoueur m'a aidé à monter, mais clairement, clairement à la fin j'étais...J'étais crevée quoi. Je fais pas, je vais pas me faire tatouer pour...Si je veux faire de la gym, je vais chez le kiné quoi.

J : C'est ça (rires)

(rires) Du coup ouais, il y a encore beaucoup de problèmes d'accéssibilité, et aussi, enfin c'est pas pour rien que je pose cette question...Il y a pas mal de discrimination au niveau...Que ce soit les personnes non blanches, ou les personnes grosses qui ont plus de mal à se faire tatouer, parce-que des tatoueurs refusent de les tatouées, enfin...Il y a beaucoup de témoignages comme ça, qui sont assez révoltant

Si vous avez été victime de violences ou de discriminations dans le milieu du tatouage et que vous souhaitez témoigner de manière anonyme, vous pouvez le faire sur le compte instagram @balancetontatoueur. A l’inverse si vous voulez témoigner d’une expérience positive et recommandé des tatoueur.euses avec les quell.es vous vous êtes senti écouter et en sécurité, le comte @safetattoartist répertorie les tatoueur.euses safe en France

Quels sont vos prochains projets tatouages, si vous en avez ?

J : Hmm..Moi c'est dur à dire parce-que à la base je voulais faire l'entièreté des deux bras. J'avais pas mal d'idées. Mais c'est vrai que le dernier tatouage dont je parlais un peu avant m'a vraiment épuisé. J'me suis dit "Oh plus jamais..." Là j'ai vraiment eu mal. Donc j'ai vraiment fait tout une pièce qui prend l'entièreté de mon épaule, mais vraiment tout autour. Avec...Voilà j'ai remplacé le "Disabled" en anglais par "Yesabled", j'ai un petit personnage en fauteuil roulant avec ma canne, par dessus il y a une petite tasse un peu ébréchée qui ressemble un peu à Zip dans la Belle et la Bête, avec une noiraude du monde Ghibli dedans, une grande poche de perfusion dans laquelle il y a des pétales qui rappellent les fleurs sur l'alliance de mon épouse, le tout sur une feuille, parce-que comme j'suis journaliste, j'ai une feuille, il y a des lignes bleues ciel tout en dessous...Donc c'est vraiment une grosse pièce qui...qui...qui a du se faire en deux fois, en un nombre d'heures assez conséquent et, j'ai vraiment douillé cette fois là. Et après je me suis dis "Ah plus jamais" comme on peut se le dire parfois. Ça commence tout doucement à me passer, ça commence à me manquer. Mais j'ai tellement d'idées, que c'est difficile parce-que j'ai envie...J'ai vraiment envie que ça ai du sens, j'ai vraiment envie de réfléchir les choses correctement, et je suis, c'est peut être le confinement qui fait ça aussi, dans cette période de ma vie où j'ai plus les idées claires...Où je suis un peu épuisée de réfléchir les choses correctement. Et je pense pas que je sois en état de définir un projet tel que je voudrais pour le moment. Donc, pour le moment j'ai un peu mis tout ça en pause, et puis surtout, voilà les, les finances sont plus forcément là. C'est quand-même un sacré budget, on se rend pas toujours compte. Les gens se disent "oh une petite pièce" mais il y a quand même du temps de travail. Donc, des projets il y en aura. Parce-qu'il me reste de la place sur mes avants bras, et puis j'ai toute une épaule nue (rires) Mais c'est encore à mûrir et à définir correctement, pour être sûr justement de, de trouver le bon message pour moi-même.

L : Alors moi, j'ai encore tellement de place que j'ai tellement de projets en tête ! Je ne pourrais pas tous vous les expliquer là maintenant, ça serait trop court. En août je pars en Espagne pour terminer mon bras gauche. Et...Donc c'est un thème un peu automnale, donc j'ai fait un hibou, et un éléphant sur l'avant bras gauche. Je termine avec un...Avec un renard et un écureuil. Et en fin d'année 2021 je fais un projet très très important. Qui est aussi en lien du coup avec...Avec la bipolarité,enfin le double diagnostic. C'est que du genou à la fesse droite, je fais un Yin-Yang de chauves souris. Donc une chauve souris bien dark,qui représente les phases dépressives. Et une chauve-souris blanche, plus pure, qui représente les phases hypomaniaques. Donc du coup, qui représente...Voilà le combiné des deux chauves souris représente la stabilité et ce qu'on essaye de trouver en tant que bipolaire avec les traitements, avec le suivi médical...Donc ça c'est vraiment un gros projet, parce-qu'il prend tout une partie quand même de la cuisse, du genou jusqu'à la fesse. Il y a quand même deux jours de travail, donc ça c'est le prochain gros projet. En fin d'année civile. Qui compte beaucoup pour moi, maintenant que j'ai eu ce diagnostique et que je comprends enfin...Beaucoup de choses. Depuis...De ce qu'il se passe dans mon corps et dans ma tête depuis des années, là j'ai vraiment besoin de ce tatouage, pour passer à autre chose, et terminer cette phase d'acceptation du diagnostic pour...Bah pour continuer ma vie quoi. Donc là, j'ai vraiment hâte de faire ce, ce tatouage.

Du coup on arrive à la dernière question, qui est la fameuse question de recommandation culturelle. Est-ce que vous avez des recommandations culturelles que ce soit sur le sujet du handicap, ou du tatouage, ou les deux ? Même si je crois pas qu'il y en ai beaucoup, mais on sait jamais.

J : J'ai envie de dire s' il y a des Belges qui écoutent, ou même des Français qui veulent faire le déplacement. La tatoueuse qui a fait ma dernière pièce, qui fait des tatouages vraiment engagés aussi parfois sur...La cruauté envers les animaux, vegan etc...S'appelle @mpatshi. m-p-a-t-s-h-i, est vraiment bien. Elle a déménagé de shop donc faut un peu la suivre sur les réseaux. Elle est très sympa on a discuté très longuement de mon projet et donc... Donc ouais, c'est plutôt une recommandation. Sinon au niveau du handicap j'trouve...J'ai juste envie de dire : Prenez en compte tout ce qui est à votre disposition et qui est fait par des personnes concernées. Je sais que récemment c'est Marina Carlos qui a sorti un livre qui s'appelle "Je vais m'arranger : Comment le validisme impact la vie des personnes handicapées" et qui parle des médias, qui parlent de la mode, qui parle de la culture...Qui touche touche à tous les sujets. C'est un petit livre, mais franchement il est d'une importance mais énorme. Moi quand je l'ai lu, j'me suis dit "Ca fait tellement du bien d'avoir quelqu'un qui met des chiffres, qui met des mots" Et même ce que tu fais toi ici avec ce podcast hein. D'avoir des personnes concernées qui parlent du sujet. Parce-que moi j'en peux plus qu'on aille trouver tout le temps...Les gens qui gèrent les ASBL, mais qui sont valides. Alors ouais ils cottoient des personnes handicapées mais ils sont valides. Ou alors les gestionnaires d'institution ou, des personnes pas du tout concernées et...Et on est jamais nous écoutés, et donc dès qu'il y a quelque chose qui se fait...Il y a Elisa Rojas aussi qui a sorti un livre, qui est un roman plutôt. Qui vraiment, qui voilà, c'est quelqu'un d'engagé, c'est des personnes concernées, qui ont une parole claire, importante et qui ne sont pas juste là pour dire "Ah ça va pas !" mais pour dire la situation telle qu'elle est, et qui ont une vraie connaissance du sujet. Comme je pense on l'a toutes les trois ici, selon nos histoires de vie donc...Ouais j'aurais envie de dire ça. Ecoutez, et aller chercher après la parole des personnes concernées, que ce soit en livre, que ce soit en podcast, que ce soit en interview...Bon on sait que dans les films ect, on est encore assez mal représenté...Ca commence, mais ça reste compliqué de donner des bonnes références, mais voilà...Écoutez-nous.  

Ouais d'ailleurs, j'avais recommandé le livre de Elisa Rojas, dans le premier épisode du podcast... Et Léa du coup, est-ce que t'as des recommandations ?

L : Alors moi j'dirais, d'un point de vu film, j'ai vu récemment le film Fou de toi, sur Netflix. Qui traite de la bipolarité. Donc...Voilà je cite particulièrement celui là parce-que je me sens bien sûr particulièrement concerné. Euh, donc c'est un des rares films que je vois traité aussi spécifiquement ce trouble là. Donc alors après oui effectivement il y a des choses à redire, mais au moins on parle du trouble et on...Moi je l'ai trouvé plutôt bien, plutôt bien fait. Donc forcément il y a des débats sur le sujet mais je l'ai trouvé plutôt bien fait. Après il y a des comptes instagram qui sont plutôt pas mal qui font beaucoup de prévention, Je pense à @planetepsy.troublesbipolaires, qui est un compte instagram tenu par des étudiantes en psychiatrie, qui sont accompagnées par un docteur en psychiatrie. Et d'autres comptes de prévention. D'un point de vue plutôt tatouage je citerais...J'ai jamais eu la chance de la rencontrer pour le moment, mais je pense à une artiste particulièrement engagée. Qui est accès sur l'inclusif, c'est @poulby_tattoo. Poulby_tattoo qui a un shop à Bordeaux, et qui a à coeur de...Voilà, elle est engagée pour vraiment essayer de sensibiliser au maximum, les différents corps, les différents...Handicaps. Elle tatoue, elle organise différents événements, elle tatoue tous les corps. Pour le coup tu parlais des différentes couleurs de peaux, elle tatoue toutes les...Toutes les couleurs de peaux. Elle participe à des événements comme Transcendance. Donc l'objectif c'est de tatouer des personnes qui ont subi des mammectomies par rapport à leurs transidentités et leurs transitions corporelles. Donc voilà elle participe vraiment à des événements intéressants, elle est vraiment humainement incroyable. Elle a une sensibilité vraiment incroyable, et elle est...Elle fait vraiment beaucoup de prévention et quand elle...Quand elle fait ses formats de "je propose, j'ai besoin". Donc ça c'est de...C'est autre chose que du tatouage, mais du coup ça permet à toute sa communauté, qui la suit, de s'offrir des services . Que ce soit psychologique ou matériel, ou juste être là pour discuter. Et moi grâce à elle j'ai rencontré pleins de gens qui avaient aussi des troubles de la personnalité borderline, des troubles bipolaires...Et on a pu apprendre à se rencontrer, et apprendre à se connaître, et créer des liens, et...Se sentir moins seul. Donc à travers ce compte de tatouage, déjà elle permet en étant tatoueuse, et inclusive elle permet aux gens de se réapproprier son corps. Mais en étant inclusive et humaine,et engagée, elle permet au gens de...Ben voilà de s'accepter soi même et d'accepter les autres, en faisant beaucoup de prévention et sensibilisation donc...Si il y avait vraiment un artiste à, à évoquer aujourd'hui dans le c'est vraiment @poulby_tattoo que...Voilà, que je citerais.

OK c'est génial. Ça me fait encore plus aimer le tatouage. C'est...C'est trop bien. Merci beaucoup à toutes les deux c'était hyper intéressant, et j'ai vraiment hâte que tout le monde puisse écouter cet épisode, parce-que vraiment c'est...Ca rappel à quel point le tatouage est important, et peut aider, et regrouper les gens et...Ouais, c'était vraiment super. 

L : Merci d'aoir proposer en tout cas

J : Ben merci à toi hein. Ouais, de nous avoir donné l'opportunité de discuter du sujet, et de prendre le temps d'y réfléchir. Ca faisait longtemps que j'avais plus réfléchis à mes tatouages et au pourquoi. Donc c'était l'occasion aussi.

L : Merci pour ce que tu fais Hermine

Merci à vous d’avoir écouter ce nouvel épisode de H comme Handicapé.e.s et encore merci à Justine et Léa d’avoir participées. N’hésitez pas à partagez cet épisode si il vous a plu et à me dire ce que vous en avez pensez. Vos retours me font toujours très plaisir. En attendant on se retrouve le 10 mai pour un quatrième épisode sur le thème du végétarisme et du véganisme quand on est en situation de handicap

Recommandations culturelles :

Livre : Je vais m'arranger : Comment le validisme impact la vie des personnes handicapées (2020)
Ecrit par Marina Carlos.
Disponible sur Amazon

Film : Fou de toi (2021)
Réalisé par Dani de la Orden
Disponible sur Netflix

Tatoueuses et comptes Instagram :

@mpatshi @nag.tatouages @poulby_tattoo
@landrogynette @balancetontatoueur @safetattooartist & @planetepsy.troublesbipolaires