Eléonore

Bienvenue dans H comme Handicapé.e.s, le podcast qui donne la parole aux personnes handicapé.e.s parce-qu'on ne les entends pas assez. Pour ce deuxième épisode, j'ai posée quelques questions à mon amie Eléonore. Notre amitié s’est principalement construite à distance, chacune dans une ville ou parfois même dans un pays différent. C’était donc une évidence pour moi de l’inviter pour parler voyages, un sujet qui nous passionne toutes les deux, enfin, surtout elle ! Dans cet épisode vous entendrez plusieurs anecdotes de voyages, notamment sur l’accessibilité de différents pays, et leurs manières d'appréhender le handicap. En cette période de confinement et de couvre feu, j’espère que son témoignage vous permettra de voyager un peu, où que vous soyez.

Alors déjà est-ce que tu peux te présenter un petit peu ?

Je m’appelle Eléonore. Je suis journaliste. Je travaille au Progrès à Lyon. Et donc tu m’a demandé de donner mon point de vue sur les voyages et le handicap, sachant que...Eh bien je voyage énormément. Donc j’en suis à...Je comptais il y a quelques jours...Une vingtaine de pays visité. Alors pas entièrement hein, parce-que j’estime que quand on est allé seulement à Londres en Angleterre par exemple, on n'a pas visité le pays. On s’est juste rendu à Londres. Et donc je voyage toute seule, accompagnée, en famille, entre amie.e.s, en amoureux...J’ai tout fait  

Et du coup parmi tous ces voyages, quelles ont été les expériences les plus marquantes ?  

Je dirais que l’expérience la plus marquante ça a été un long voyage puisque ça a été mon année d’Erasmus. Qui a aussi déclenchée en fait cette passion du voyage. Puisque j’ai fait mon Master 1 de Sciences Politiques à Grenade. Donc dans le sud de l’Espagne. Et à partir de là j’ai eu l’opportunité de voyager souvent, dans plusieurs pays, donc les limitrophes de l’Espagne. Et notamment de faire mon premier voyage seule. Qui était en Espagne puisque j’avais décidé de partir juste à Madrid quelques jours. Pas quelque chose d’absolument faramineux. Mais, c’est le premier où je me suis dit : Et ben là faut y aller. Tes ami.e.s sont pas dispos aux dates où tu veux y aller. Ton année va se terminer. Donc, tu vas prendre un sac à dos. Donc c’est un ami qui me l’a prêté, j’en avais pas à l’époque. Et puis tu verras bien si c’est faisable ou si c’est l’enfer. Sachant qu’à l’époque, je n’étais pas très équipée. Je n’avais pas de sac, je n’avais pas de motorisation sur mon fauteuil non plus. Et il me semble que le fauteuil que j’avais, c’était un fauteuil de location...Oui il me semble. Que j’avais eu à la pharmacie, quoi. Donc pas un nul. C’était quand même un fauteuil, à ma taille et relativement maniable et tout ce qui s’en suit, puisque je l’utilisais quand même beaucoup. Mais, aujourd’hui...Je pense que tu me poserais la question après, je suis équipée totalement différement. Donc voilà, je me suis lancée. J’ai je crois mis au moins dix jours à organiser ce petit voyage, et aujourd’hui ça me semble une éternité pour organiser trois jours. Parce que les choses évoluent. Donc je me suis dis : “Il va falloir prendre un hôtel ou une auberge où ce soit pas galère. Bon. Comment je fais ? Donc j’ai cherché par rapport à la localisation d’abord. Ensuite j’ai contacté les auberges sur Booking pour savoir si c’était bien ok. Ensuite je me suis dit “Bon alors maintenant j’ai l’auberge de jeunesse, mais il faut les transports. Qu’est-ce que je fais ? Voilà pareil. Chercher le moyen de transport pour aller de Grenade à Madrid, donc c’était un bus. Vérifier que le bus je pouvais bien monter dedans. Bon. Et puis se dire, est-ce que je vais pas m’ennuyer toute seule trois jours ? Sachant que je suis quand même quelqu’un qui a besoin de contact, qui a besoin de parler, qui a besoin d’être entourée. Je faisais pas ça pour être seule en fait hein. Même si je partais seule. Donc je me suis dis “On va regarder un peu ce qu’il y a a faire à Madrid mais je m’en fais pas trop là dessus parce-que c’est quand même la capitale. Ça devrait aller. Et puis j’ai pris une auberge, où il y avait un bar sur le toit. Un lieu de rencontre comme un autre...Et bien il se trouve que mon voyage à commencer de la meilleure façon possible qui soit. Alors, je vous garantis pas que ça vous arrivera. Faut pas faire d’extrapolation. Mais, j’ai rencontré donc un Suisse sur la terrasse de ce bar. Qui était également tout seul, qui ne dormait même pas là, qui était venu juste parce-qu’on lui avait dit que le bar était sympa. Et donc on a discuté, et bien en fait j’ai passé trois jours avec ce petit Suisse là. Ce qui m’a permis par la suite de voyager pas mal en Suisse, et ailleurs. Voilà. Donc je dirais que si je dois choisir un voyage précisément ce serait le premier. Puisque c’est là que tout à démarré et que je me suis dis si ça se passe comme ça, il faut surtout pas que j’arrête. Donc voilà l’Erasmus a déclenché toute cette petite passion. Et le premier voyage je pense, m’a fait démarré sous les meilleurs auspices. Et depuis je précise que je n’ai pas eu de problèmes dans mes voyages, et qu’il se sont tous passés je crois...Très bien. Alors, je sais pas si c’est de la chance ou autre chose. Mais...  

Mais c’est bien de le préciser. Et du coup en ayant voyagée dans tous ces pays, quelles sont les différences notables que t’as pu remarquer avec la France, que ce soit par rapport à l’accessibilité ou le regard des gens....

Donc en fait j’ai fait quasiment une très grande partie de l’Europe. Donc, l'Espagne, l'Italie, l’Angleterre, Malte... Qu’est-ce que j’ai fais encore ? Les pays des Balkans, la Hongrie. Je suis allée au Maroc aussi. Voilà une bonne partie de l’Europe, où les cultures sont déjà différentes, mais ça reste Européen donc, ça ressemble à chez nous. Et j’ai eu la chance de partir au Canada et aux Etats-Unis. Donc en septembre 2020 si je ne m’abuse. Et là c’était déjà un petit peu différent, et dépaysant au niveau de la culture, et au niveau de comment les gens voient notamment le handicap. Donc j’en suis à une certaine liste. Bon, je devais partir au Japon. Mais malheureusement je ne pourrais pas vous en parler puisque le covid a décidé que je n’irais pas au Japon. Nous sommes un an  après mon départ potentiel au Japon quasiment, et je n’irais pas cette année non plus. Mais peut-être que d’ici encore une année ou deux, je pourrais parler du Japon. Ensuite, au niveau de la perception des personnes en situation de handicap... Alors déjà, il faut noter qu’en Espagne, les gens ont une perception des personnes handicapé.e.s complétement différente. Dans le sens où pour eux l'accessibilité c’est quelque chose de normal. C’est pas quelque chose qu’il faut ajouter, c’est pas quelque chose qu’il faut réfléchir après, c’est pas quelque chose qu’il faut...Qui est embêtant, on va dire. C’est quelque chose de, quand on construit un bâtiment, bah en fait c’est normal qu’il y ai un ascenseur, c’est normal qu’il y ai une rampe, c’est normal qu’il y ai des logements adaptés... C’est normal tout ça. Pourquoi ? Parce que, notamment...C’est pas la seule raison, mais en Espagne il y a beaucoup de personnes âgé.e.s. Et elles ont besoin de ces aménagements là. Et en fait, on les leur doit, c’est normal. Donc ça s'extrapole aux personnes en situation de handicap, et, bon elles sont considéré.e.s de la même façon que n’importe qui d’autre. Moi j’ai pas sentis de....de dénigrement, ou de on met de côté parce-que c’est compliqué. Alors certes hein, il faut pas faire de généralités. Il y a toujours des gens à qui ça pose problème. Mais, j’étais toujours très entourée, on m’accompagnait partout, on m’aidait quand il fallait m’aider, on me faisait monter les marches de la boîte de nuit si il fallait me faire monter les marches de la boîte de nuit. Je cite la boîte de nuit parce que c’est quand même un lieu compliqué. Parce-qu’il y a des gens, parce-qu’il faut faire attention, il fait noir...Donc je cite pas ça au hasard non plus. Ensuite, les pays du style la République Tchèque... Oui la République Tchèque me vient en premier parce que je crois que c’est le pire endroit en termes d'accessibilité. Il y a des pavés partout déjà. C’est pas leur faute mais des pavés et un fauteuil ça reste compliqué. Il y a beaucoup de marches, c’est vieux, et ils refont pas ou peu. Alors que par exemple l’Autriche ou la Hongrie qui sont pas très très loin, eux sont beaucoup plus en avance. Donc voilà je pense que c’est aussi une question de niveau de vie, voilà de richesse du pays hein, Par contre, les gens vont toujours avoir envie d’aider, vont toujours...Voilà, être là, si jamais il y a besoin. C’est quand-même agréable. Alors je sais pas, c’est peut-être parce-que je suis une fille et que je suis pas trop moche, que j’ai plus de facilités là dessus. Mais n’empêche que en France...Ben, parfois il peut m’arriver d’avoir du mal à faire un truc pendant dix minutes, et je vois des personnes passé.e.s à côté de moi. Et on ne m’aide pas. Je pense qu’il y a quand même une question de culture. Ah et donc, je suis allée au Canada. Ah oui parlons-en !  Le Canada, parlons-en, oui. Les gens...Je suis allée au Québec. Je suis allée au Québec hein, donc la partie où on parle français. J’ai trouvé que les gens c’était des nounours. Tellement ils étaient gentils, et tellement ils étaient accueillants, et tellement ils étaient prévenants, et tellement ils étaient positifs. Bon, j’y ai passé qu'une grosse semaine hein, donc je peux pas non plus faire de généralités. Et par rapport à l'accessibilité, bah c’est dans la même optique. Dans le sens où les choses sont bien faites, il y a des rampes. Les choses sont pensées pour les personnes en situation de handicap. Et il m’est arrivée de voir, une pub, sur un écran géant. Avec une personne valide, à coté un mec en fauteuil, et à coté une personne de couleur, je crois. Voilà. J’ai trouvé ça, quand-même assez parlant. J’ai fait New-York, aussi. Et il y a quelque chose qui m’a marqué à New-York. C’est que, quand une personne en situation de handicap à besoin de monter dans le bus (qui est gratuit d’ailleurs pour les personnes en situation de handicap). Et bien, le chauffeur est dans l’obligation, je dis bien l’obligation. De faire descendre les personnes valides si il y a trop de monde dans le bus. Alors...Alors moi j’étais un peu gênée. Parce que j’ai dis, mais c’est pas grave j’attends le bus suivant si il est trop plein. Et non non, le chauffeur m’a gentiment dit “Mais mademoiselle c’est la loi. Vous pouvez pas vous déplacer aussi facilement que les autres personnes qui sont dans mon bus. Il y a besoin d’espace pour votre fauteuil, je fais descendre quatre personnes, c’est tout.” Bon. Très bien.  

Déjà que quand tu vois en France, c’est difficile de faire déplacer les gens pour que tu rentres avec ton fauteuil. Alors les faire SORTIR du bus ! (rires)  

Voilà.  

Et quelles sont selon toi les choses les plus difficiles et les plus compliquées, quand on est en situation de handicap, pour voyager ? 

Alors, déjà je vais répondre quelque chose que j’aurais répondu handicap ou pas. La première chose difficile à faire, c'est sauter le pas. Parce-que il y a beaucoup de gens qui ont envie de voyager, qui ont envie d’aller découvrir, mais qui se disent “ohlala mon dieu il faut organiser, ohlala mais il faut que je trouve des ami.e.s pour partir avec moi. Bon, ça coute des sous, donc déjà sautez le pas, c’est quelque chose, Ensuite, voyager seul, c’est encore une autre étape parce-que c’est compter que sur sois-même. En fait c’est un vrai petit challenge en situation de handicap, ou non. Parce-que moi quand j’en discute avec des personnes totalement valides elle me disent “Je sais pas comment tu fais, parce-que moi j’en suis incapable”. Pour ce qui est du handicap en lui-même. Je dirais que le plus compliqué ça va être de voir si c’est du domaine de challenge, ou si c’est du domaine de montée de l’Himalaya. Dans le sens où il faut quand même que le voyage reste agréable. Parce-que c’est un voyage et c’est pas non plus l’enfer de partir. Donc moi il y a des pays que je raye de ma liste, en tout cas en étant seule. Parce-que je sais que ça serait trop compliqué. Trop difficile à gérer. Notamment les pays d’Amérique latine, qui sont tout de même moins adaptés qu’en Europe ou qu’aux Etats-Unis. C’est dommage parce-que j’ai vraiment très envie d’y aller. Donc là dessus je les raye de manière on va dire provisoire en attendant d’être accompagné par des ami.e.s, ou par un amoureux futur, ou par voilà, pour y aller. Ensuite, ben il faut...Mais ça je pense que les personnes handicapé.e.s sont habitué.e.s que ce soit pour le voyage ou autre chose. Il faut anticiper. Se dire “quel problème je peux supprimer des problèmes potentiels avant de partir ?” On regarde comment sont organisés les transports, on regarde si l'hôtel ça va pas être une galère. Si il n’y a pas trois marches à l’entrée par exemple, donc du coup il faut demander de l’aide à chaque fois. Moi trois marches à l’entrée je sais pas si ça me bloquerait, parce-que je peux me lever. Et ça donne une occasion de demander de l'aide à quelqu’un. Dans ce sens-là,demander de l’aide à quelqu’un en voyage , c’est plutôt positif. Parce que si il est à côté de l'hôtel ça veut dire que, il voyage aussi, et que ça peut être la garantis de passer de jours après avec pour faire le reste du voyage. Donc j’hésite pas à aller vers les autres et à aller demander de l’aide si besoin. Chose que je fais moins en France. Mais là c’est plus dans l’idée de créer un contact, créer du lien, et se faire des ami.e.s, partout où on va. Mais n’empêche qu’il faut quand-même anticiper ce genre de choses. Pour l’avion, bah pareil il faut faire la demande d’assistance, préciser le modèle du fauteuil...Pour que ce soit pas au dernier moment et que le compagnie puisse dire “bah on était pas au courant, c’est pas possible pour nous”. Ça m'est jamais arrivé hein. Mais bon, voilà, parce-que justement, j’essaye d’anticiper tout ce qui est possible d’anticiper. Il m’est jamais arrivé aucun problème en fait. Alors après voilà, il faut aussi regarder la sécurité du pays. Mais ça, handicapé.e ou non. Il faut vérifier que par rapport à la monnaie on va pas se retrouver coincer parce-qu’on a pas la bonne carte bleue. Voilà, mais bon ça après c’est des choses de voyages qui sont pas en lien avec le handicap. Je dirais qu’à part vérifier l'accessibilité, les transports, et vérifier que ce soit pas trop compliqué en soit. Il n’y a pas tellement de freins à voyager quand on est handicapé.e. Alors après tout dépend du handicap évidement. Tout dépend le fauteuil dont on dispose si on est à mobilité réduite, tout dépend, voilà. Moi je prends mon cas où j’ai un fauteuil...Alors aujourd’hui...J’en parlais au départ. Aujourd’hui j’ai quand-même un Kuschall K series, donc un fauteuil manuel que j’ai acheté. Avec une motorisation Force Wheel qui me permet de faire à peu près vingt kilomètres en autonomie. Donc sans aucun souci pour passer la journée à crapahuter à droite à gauche, et le charger le soir à l'hôtel où à l’auberge. Ce qui change quand même la donne. Parce-que quand il faut traverser New-York du point A au point B et qu’on a décidé que c’était d’un bout à l’autre de la ville... Je l’ai fait une fois, pas deux. (rires) Bah il faut quand-même être équipé ! C’est pas avec mon petit fauteuil de pharmacie que j’aurais fait ça. Voilà. Et je suis en train de réfléchir à éventuellement acheter une roue qu’on met à l'avant pour être encore moins embêtée avec les trottoirs, et ce genre de choses, c'est encore un projet mais...  

Du coup t’en a déjà un peu parlé. Donc t’as voyagé seule et accompagnée. Est-ce que t’as une préférence pour l’un ou l’autre ? 

C’est une question qui est assez difficile je dirais, parceque c’est pas la même manière de voyager pour moi. Être seul c’est vraiment, bah comme je le disais ce challenge de se surpasser. Et être très ouvert pour faire un maximum de rencontres. En tout cas moi c’est ce que je souhaite. Donc il faut être, voilà, excuser moi le mot mais il faut rayonner quoi. Il faut être vraiment très bien avec soi pour qu’on puisse attirer l’autre. Alors que quand on est accompagné, bon, si on est avec un amoureux, ben on reste avec l’amoureux en questions et il n’y a pas trop de difficulté parce-qu’il est là pour aider si il y a besoin. Et puis on réfléchit à deux sur ce qu’on veut faire. Et entre ami.e.s eh ben, il va falloir trouver des activités qui correspondent à tout le monde, dans le même budget. Ou alors accepter que chacun fasse quelque chose de son côté. Ce qui marche avec certains, pas avec d’autres. Ne pas se retrouver avec quelqu’un qui soit mis de côté. Donc en fait, c’est pas des...Pour moi c’est des voyages qui sont différents. Si je vais dans un même pays avec des ami.e.s ou seule, ou avec un chéri. Voilà. Ça sera pas pareil. Je pense que j’ai besoin de voyager seule, fréquemment. Parce-que j’ai besoin de sentir cette petite adrénaline et ce petit challenge là. C’est un petit peu magique comme sensation de se dire “Bah j’suis CAPABLE. Je vais le faire et j’ai besoin de personne. Voilà. Et je pense que si j’avais plus ça, ça me manquerait. Mais, il y a des fois où j’ai envie de partir en voyage, mais il faut que je trouve quelqu’un pour partir, parce que c’est un voyage que je veux faire accompagner.     

Ouais ce truc de quand tu rentres chez toi après avoir voyager seul, et que tu rentres chez toi et que tu te dis “Ouais ! Je l’ai fais !” C’est hyper, hyper gratifiant j’trouve. On a parlé de voyager seul, et j’aimerais qu’on parle aussi de voyager au féminin. Parce-que sans même parler de handicap, on sait que souvent, quand on est une voyageuse en solitaire on a souvent des remarques du genre “Mais t’as pas peur de partir toute seule ? C’est dangereux...” Ou alors quand t’approche de la trentaine on te demande si tu vas avoir des enfants, et on te dit qu’il faudrait peut-être se calmer un peu sur les voyages tout ça... Est-ce que toi t’as déjà eu des remarques dans ce genre ?

Alors... Sur le fait que c’est dangereux, qu’il faut faire attention...Je vais faire un peu l’avocat du diable mais, oui. Il faut faire attention, en fait. C’est un fait. Il faut vérifier la sécurité dans le pays de manière générale, et il faut ne pas faire confiance à n’importe qui non plus, faire attention à ses affaires... Pas mettre, par exemple, tous ses moyens de paiement au même endroit, toujours le garder le plus proche de soi. Il y a quand même des choses où il faut faire attention. Après, je pense que vous l’avez compris, je voyage et ça ne m’empêche pas de bouger. Donc il faut pas que ça devienne un blocage de se dire “oui mais c’est trop dangereux, tu vas pas y arriver...” Non. Parce-que même un homme il peut très bien se faire aggrésser dans une ruelle, on peut lui piquer son sac, et homme, femme, bon...Il sera dans le même cas. Malheureusement, c’est des choses qui arrivent. Ensuite, au départ mes parents notamment étaient très inquiets, ils me demandaient un message quasiment toutes les heures. Toutes les heures,toutes les heures... J’abuse peut-être. Mais au moins, un le matin, un le midi, un le soir. Bon. Depuis ils ont compris que j’étais suffisamment prudente, pour qu’ils soient un petit peu moins inquiets. Ils ont aussi compris que j’étais tout temps accompagnée et que en gros je restais très peu seule. Je pense que ça les rassurent aussi. Pour ce qui est des enfants, de se poser, de...ce genre de choses. Déjà je n’veux pas d’enfant. Ou alors si j’en veux ce sera dans un moment, et ce sera un et pas dix. Mais ça c’est une idée que j’ai depuis que j’ai à peu près dix-huit ans, même avant. Donc mes parents se sont fait à cette idée là notamment, ma famille aussi. Se poser non parce-que je crois que...J’ai de la chance d’avoir des gens ont compris qu’en fait le voyage c’était quelque chose qui m’animait. Qui me permettait de  de rayonner, d’être bien, de m’emplir de quelque chose de positif. Et donc, j’ai peu de remarques en ce sens. Il faut dire aussi que j’ai un travail, que je suis quand même installée. J’ai construit une sorte de petite vie déjà. Donc ils sont pas inquiets à se dire "elle a pas fait d’études, elle a pas de boulot..." Bon. Et puis je suis quelqu’un qui je crois, quand quelque chose ne lui convient pas, change. Je passe à autre chose si il faut passer à autre chose et notamment dans le cadre du travail, là j’ai actuellement des projets de formations dans un autres domaine. Qui voilà, qui vont venir compléter mon activité, et je pense être dans une dynamique justement, qui fait que ça ne provoque pas d'inquiétude démesurée du côté de mon entourage. Après je sais que ça peut être un frein pour certaines familles. Et c’est dommage parce-que pourquoi il faudrait voyager avant trente ans et pas après ? Pourquoi il  faudrait nécessairement avoir un enfant ? Pourquoi il faudrait nécessairement se poser tout de suite si on en a pas l’envie ? Je pense que la vie c’est un cheminement, et on le fait à notre rythme. Et si on a envie de faire ça à dix-huit ans, si on a envie de faire ça à trente on fait ça à trente, et si on a envie de faire ça à quarante-cinq, bah on fait ça à quarante-cinq. Et l’important c’est d’être en accord avec soi-même et d’être épanoui. Je pense qu’il faut pas se bloquer sur quelque chose qui en fait n’est qu’une horloge, imposée par une société.  

Je valide ! (rires) Totalement. Et du coup on approche de la fin. Est-ce que tu as des conseils pour des personnes handicapé.e.s qui voudraient voyager seules ? Quels conseils leur donnerait ?

Allez-y ! Si vous avez besoin de conseils, n'hésitez pas à aller sur des groupes de voyageurs qui en donnent énormément. Alors pas nécessairement des personnes handicapé.e.s parceque ça reste quelque chose de marginal. Mais ça existe aussi. Mais posez vos questions avant, ne partez pas avec des doutes qui vont vous "gâcher" le voyage on va dire. Parce que les doutes ils vont s’en aller quand vous y serez. Vous serez tellement dans l’action de dire "Wouah ! J’y suis, je l’ai fait, j’suis entrain de profiter, je vis ma meilleure vie” Que ce serait dommage de pas tenter. Après, si ça fonctionne pas, si ça vous plait pas, si ça se passe mal...Soit. Mais vous aurez essayé.e 

Et donc là on arrive à la dernière dernière question. Est-ce que tu aurais des recommandations culturelles sur le sujet du handicap, du voyage, ou encore mieux du handicap, et du voyage ? 

Ca c’est une question un peu plus difficile. Bon, un film qu’il faut voir je crois, ou lire le bouquin. C’est Mange Prie Aime. Parce-que tout de même, c’est un beau message. C’est l’histoire d’une journaliste qui envoie tout valser pour partir faire un voyage initiatique entre l'Italie, l'Inde et Bali. Donc en Italie elle mange, en Inde elle prie, et à Bali elle aime. Et en fait elle a tout un cheminement où elle est accomplie à la fin de ce voyage. Donc elle n’est pas handicapé.e mais moi je m’identifie beaucoup à ce personnage, pour diverses raisons. Ensuite il y a un film qui s’appelle “Une Margarita avec une paille” Je te laisserais l’honneur de le dire en anglais, puisque le titre est en anglais. Moi je suis pas douée pour l’accent anglais.  

Ouais. C’est un film qui s’appelle Margarita with a straw. Et d’ailleurs c’est toi qui m’avait recommandé ce film, et c’est grâce ou à cause de ce film que j’ai commencé à prendre un abonnement Netflix. (rires) Voilà. Pour la petite anecdote. Mais vas-y je te laisse présenter du coup.

Bah en fait c’est l’histoire d’une fille qui a une infirmité motrice cérébrale si je ne me trompe pas. Ou enfin quelque chose de très similaire puisqu’elle est sur un fauteuil électrique. Et elle veut partir faire ses études ailleurs. Sa famille est réfractaire à cette idée parce-qu’elle est handicapée justement et qu’ils voient une montagne infranchissable à cette envie. Et finalement elle arrive à convaincre sa famille qu’elle peut. Donc elle part faire ses études et elle découvre aussi bah , la joie des rencontres avec les autres, de l’amour, de la sexualité. Et du voyage puisqu’elle bouge quand même très loin de sa famille. Voilà. C’est vrai que les films qui traitent du handicap j’ai globalement du mal avec. Parce-que je trouve qu’ils sont mal joués (parce-que souvent par des valides)  Mal évoqués. Avec des, des, des... Des stéréotypes qui me hérisse le poil. Mais celui-ci sort de ce champ là. Donc je ne vous recommanderai pas beaucoup de films ou de recommandations culturelles dans ce domaine, mais celui-là oui. Et puis après j’ai envie de vous dire bah...Faites votre propre film ou faites votre propre livre.  

(rires) C’est clair. Faites votre propre podcast aussi. C’est bien. (rires) Ouais ce film...Bah justement tu disais que souvent c’est des personnes handicapé.e.s qui sont joué.e.s par des valides. Et là c’est le cas aussi tu vois. Et moi je pensais...En le voyant, je pensais vraiment qu’elle était vraiment handicapée. Mais en faisant mes petites recherches j’ai vu que c’était une actrice valide. Et...D’habitude ça me dérange. Et c’est tout un débat, je pourrais même faire un épisode entier là dessus. D’habitude ça me dérange mais là c’est vrai que l’histoire est tellement bien fichue et vraiment dans la découverte et tout ça. C’est vraiment positif comme message. Donc, ouais je vais pas faire de bémol là dessus. Surtout que oui comme tu disais elle a une paralysie cérébrale, donc le même handicap que nous. Elle est bisexuelle, elle découvre sa sexualité tout ça... Et moi aussi étant bisexuelle, enfin c’était la première fois que je voyais un personnage qui me ressemblait autant dans un film, et c’était très très...Très inspirant.

Le road-movie est un genre qui a souvent mis en scène des personnages handicapé.e.s. Il y a eu Hasta La Vista ! Un film belge dont les personnages principaux sont trois amis en situation de handicap qui, pressés de démarrer leur vie sexuelle, veulent se rendre en Espagne dans un bordel spécialisé pour les personnes handicapé.e.s. Plus récemment Netflix a sorti The Fundamentals of carring. Mais dans ces deux films les personnages handicapés sont joués par des acteurs valide (et vous l’aurez compris Margarita with a Straw est pour moi le seul film où j’accepte ce cas de figure) Dans le premier film, un des personnages meurt à la fin, dans l’autre il est amère triste et a un niveau de confiance en lui proche de zéro, jusqu’à ce qu’une personne valide le sorte de sa routine évidement...Bref, toujours le même schéma...Sans oublier une bonne dose de male gaze et de blagues misogynes.  Mais. Mais mais mais... J’ai enfin trouvé un film qui sort du lot, et ça sera ma recommandation culturelle pour cet épisode. Il s’agit du film Give me Liberty. Sorti en 2019 il raconte l’histoire de Vic, un jeune homme d’origine Russe qui conduit un minibus adapté pour les personnes handicapé.e.s. Le film est inspiré du passé d’ambulancier de son réalisateur. Et je pense que ce passé d’ambulancier explique l'absence de regard misérabiliste. Ici le regard est tout simplement réaliste. Parfois même proche du documentaire. Certaines séquences m’ont fait penser au documentaire Crip camp, un autre film dont il faut absolument que je vous parle dans un prochain épisode. Le réalisme du film tient aussi grâce à ces acteurices. Toustes non professionn.elles et à l'authenticité troublante. On y retrouve notamment Lauren “Lolo” Spencer, une influenceuse et activiste handicapée impressionnante de justesse dans ce premier rôle. Un mélange entre course poursuite et comédie, Give me liberty nous fait voyager entre la communauté Russe et la communauté Noire américaine des quartiers populaires de Milwaukee. Plus qu’un road movie, c’est un feel good movie que je vous recommande chaudement !

Merci beaucoup Eleonore d’avoir participée.  

Avec plaisir.  

Et merci à vous d’avoir écouté.e.s ce deuxième épisode de H comme Handicapé.e.s . Merci aussi pour tous vos retours sur le premier épisode qui m’ont vraiment beaucoup touché Je vous rappelle que vous pouvez trouver toutes les informations concernant ce podcast sur le site hcommehandipodcast.fr et sur le compte Instagram @hcommehandi podcast, et Je vous donne rendez vous le 19 avril pour l’épisode 3 où on abordera le sujet des tatouages et du handicap avec cette fois deux invité.e.s !

Recommandations culturelles :

Film : Mange, Prie, Aime (2010)
Réalisé par Ryan Murphy
Disponible sur Netflix

Film : Margarita with a straw (2014)
Réalisé par Shonali Bose
Disponible sur Netflix

Film : Give me Liberty (2019)
Réalisé par Kirill Mikhanovsky
Disponible en VOD sur YouTube

Références :

Film : Hasta la vista (2011)
Réalisé par Geoffrey Enthoven

Film : The Fundamantals of Caring (2016)
Réalisé par Rob Burnett
Disponible sur Netflix

Film : Crip Camp (2020)
Réalisé par James Lebrecht & Nicole Newnham
Disponible sur Netflix

Lauen Spencer @itslololove sur Instagram