Damien & Alistair

Hermine : Bienvenue dans « H comme handicapé.es », le podcast qui donne la parole aux personnes handicapées parce qu'on ne les entends pas assez. Aujourd'hui, je suis avec Alistair et Damien pour parler de : masculinité. Du coup bienvenue à tous les deux, merci d’être là. Déjà, est-ce vous pouvez vous présenter un petit peu ?

Damien : Alors je vais commencer... Bonjour à tous. Moi je m'appelle Damien Fargeout, j'ai 30 ans.... J'ai plusieurs casquettes comme : consultant en accessibilité de jeux vidéos, standuper et je, j'anime moi-même une émission de radio qui s'appelle : dear valid people. Et concernant le handicap, je suis moi-même atteint d'une maladie génétique neurodégénérative qui s'appelle l'ataxie de Freidreich, qui moultes conséquences, principalement je me déplace en fauteuil roulant é, électrique..., j'ai des petits problèmes d'élocution, des petits problèmes d'oreilles et... de yeux. Voilà. Tout ça. Et merci beaucoup pour l'invitation, je suis très content de pouvoir parler de ce sujet.

Hermine : ( petit rire) Bah, avec plaisir ! Et... Alistair du coup ?

Alistair : Ouais, bonjour ! Bah, merci de m'avoir invité aussi. Moi je m'appelle Alistair Houdayer. Je suis : youtubeur, je fais des vidéos de... vulgarisation surtout, sur le handicap, sur la transidentité aussi un peu des fois et je suis auteur de théâtre et comédien. Et... Je suis une personne autiste et j'utilise aussi un fauteuil roulant manuel. Et voilà. Je suis très content d'être là parce que la masculinité c'est un truc auquel je réfléchis beaucoup en ce moment, donc ça tombe très bien (rires) !

Hermine : (Rire) Chouette ! Bon timing ! Alors, du coup ma première question, eeeet, on va vraiment entrer un peu vite dans le vif du sujet. En fait oui, déjà un peu, pourquoi j'ai eu envie de faire ce podcast et aborder ce thème-là, parce que ça peut être un thème qui peut surprendre les personnes qui suivent le podcast depuis un moment : comment ça il y a des hommes invités dans mon podcast (rire) ? Oui. D'ailleurs, Damien (rire), tu es le premier et... Tu es le premier mec cis invité dans ce podcast, j'allais pas dire et le dernier (gros rire), j'ai failli le dire mais... Et du coup, c'est aussi pour ça que j'ai eu envie de faire cet épisode, c'est parce que en fait, 99%... des personnes qui participent à ce podcast sont des femmes ou des personnes non binaires ou fin bref, pas des mecs cis quoi ! Et que, la plupart des personnes qui m'envoie des messages et qui veulent participer, parce que moi je trouve mes invités en faisant des appels à témoignage pour la plupart. Du coup, les personnes qui répondent à mes, à mes appels à témoignage, c'est des femmes et des personnes non binaires, du coup je me suis dit : y'a un truc à creuser en fait, y'a un sujet. Pourquoi les mecs vous voulez pas parler en fait (rire) ? Moi, je, moi je, je, je suis ouverte à tout le monde. Du coup, je me suis dit, ouais, y'a vraiment un truc à creuser et après en y réfléchissant, je me suis dit : « mais en fait, c'est un peu pareil dans... le milieu militant anti-validiste en général, c'est un peu quasiment que des femmes qui sont..., médiatisées et mises en avant : je pense à Élisa Rojas, à... Charlotte Puiseux qui a sorti un livre récemment, fin et, c'est quasiment toujours que des femmes. Du coup, je voulais savoir..., d'après vous, pourquoi ? Fin, d'où ça vient cette invisibilisation des hommes, dans le, dans l'antivalidisme, en France, en tout cas ? Vaste question (rire) !

Damien : Oui, vaste question. Tout d'abord, je suis très honoré d'être enfin en minorité.... Quelque part. Sinon, cette question, en effet, c'est une très bonne question... Moi, je pense qu'en fait y'a plusieurs choses. En effet, dans le milieu validiste classique, on va souvent parler des personnes que tu as nommées. Après, il me semble que dans le CLHEE, il y a aussi un homme qui est beaucoup moins présent sur les réseaux mais qui est quand même là. Ensuite, on peut parler aussi des écrits de Marcel Nuss, de Alexandre Jollien, mais qui sont pas vraiment des écrits anti-validistes de fait. Hmm, moi je pense que, y'a un lien direct à faire avec du validisme intériorisé, où je pense que dans la définition de la masculinité et dans ce qu'on te vend comme masculin et le handicap est totalement incompatible. Comme quoi on est toujours sur.... Cette image de l'homme vulnérable est impossible en fait, l'homme ne peut pas être vulnérable. L'homme ne peut pas être handicapé. Et donc je pense que sur tes appels à témoignage, les hommes cis hétéros ne se reconnaissent pas forcément toujours, mais ça c'est en lien, voilà je pense, plus large, le validisme intériorisé, c'est encore un... une problématique aujourd'hui où, bah, quand on arrive à ne plus, ou du moins à être moins dépendant du validisme intériorisé, c’est beaucoup moins compliqué d’en parler. Comme je peux le faire et comme mon émission de radio m'a appris à le faire. Et d'écouter des podcasts féministes aussi, ça m'a appris ça : de voir qu'il y a des personnes qui savent très bien parler de leur vulnérabilité et qu'ils peuvent parler d'expériences de vie, que toutes expériences de vie se valent, euh bah ça m'a donné envie de faire la même chose.

Hermine : Ouais. Pareil pour moi avec le podcast d'ailleurs. Et du coup, Alistair, t'en penses quoi ?

Alistair : Bah, je suis assez d'accord avec ce qu'a dit Damien évidemment. Un autre truc, qui moi m'apparaît, c'est aussi le fait que : c'est pas extrêmement surprenant finalement dans beaucoup de luttes, que ce soient les gens qui sont, à l'intersection de plusieurs oppressions et de plusieurs... systèmes de violences, qui se mobilisent le plus, dans le sens où c'est les personnes qui ont moins le choix en fait. Et, j'ai l'impression, peut-être que je me trompe, mais j'ai l'impression que dans le cas du validisme, les conséquences du validisme se compensent particulièrement bien avec la manière dont les mecs bénéficient de la misogynie. C'est-à-dire que quand par défaut, que tu sois un mec handicapé ou pas, tu vas avoir beaucoup plus souvent des femmes dans ta vie qui peuvent s'occuper : de ton agenda et de faire les courses et de faire la cuisine et d'être en fait concrètement tes aides de vie même si t'es pas handicapé (rire dans la voix), euh, bah du coup forcément c'est plus facile à côté d'arriver à tenir un métier même si, t'as des difficultés à gérer le quotidien quoi par exemple. Donc ça explique pas tout, mais je pense qu'effectivement, y'a un certain nombre de mecs, et notamment de mecs blancs, de mecs de classe moyenne et caetera, qui sont dans une situation où leurs privilèges compensent suffisamment une part de validisme pour qu'ils puissent se permettre de pas ..., s'y attaquer en fait. Là où pour beaucoup de femmes, bah ... C'est une question de survie de, bah, en fait si elles elles se défendent pas pour avoir leurs droits et accéder aux aides dont elles ont besoin pour vivre, ben, personne va leur donner quoi ! Et donc je pense que y'a aussi peut-être ça qui joue, même si c'est évidemment pas le mê..., pas le, pas le seul paramètre. Cela dit, c'est vrai que c'est un peu surprenant que les médias fassent la même chose alors que y'a aussi plein de luttes ou genre, je sais pas dans les luttes trans, les femmes trans noires et latinas notamment, c'est genre vraiment des, des moteurs de la création et des ressources et caetera. Et ça veut pas forcément dire que c'est reflété dans la manière dont, dans les personnes trans qui vont être médiatisées par exemple. Et c'est vrai que dans le handicap, bon en même temps on n'est pas très médiatisé donc ça réduit aussi le (rires), l'échantillon sur lequel on se base (rires) ! Mais... Mais effectivement, on voit que dans les médias j'ai l'impression, ce, cette tendance-là continue de se refléter même quand on est médiatisé, pas juste au sein de la communauté quoi. Ce qui est pas toujours le cas ailleurs, mais c'est peut-être juste une question de petit nombre, je sais pas (petit rire).

Hermine : Ouais, ouais peut-être que en fait, là on est peut-être juste au début d'une médiatisation et quand ça sera plus, plus large, ça sera peut-être plus égal au niveau des représentations, je sais pas. Mais ... En fait les mecs cis handicapés, vous êtes pas assez énervés en fait (rire)

Alistair: (rire)

Hermine (rires dans la voix) : Parce que moi je, je dis tout le temps que ce qui m'a aidé.e a démarrer le podcast, c'est la colère et bah... Voilà quoi ! Si y'avait pas eu cette colère-là, y'aurait pas eu de podcast donc... Ouais, ouais. Ça fait sens, ça fait sens.

Alistair : J'suis pas sûr, mais il me semble que c'est Keanu Reeves qui avait écrit un truc là-dessus, sur le, la suprématie blanche et le racisme chez les mecs handicapés et qui parlait du fait que, en fait, utiliser leur blanchité et leur place dans la suprématie blanche, c'était leur seule manière de, pour eux, d'appliquer leur masculinité entre guillemets. Parce que du coup dans les rapports de genre, le handicap dé, défaisait ça un peu et que du coup, le fait de s'enrôler dans des groupes racistes et caetera, c'était une manière de récupérer ce truc de :« ah il faut que je sois puissant, que je sois dominant, que ...» et caetera. Et que du coup ça jouait aussi, fin là-dedans, voilà.

Damien : Y'a plein de choses qui, qui me viennent en tête là, en vous entendant... parler. Ça va être compliqué ! Déjà, premièrement, je pense qu'il y a aussi, un lien à faire par rapport..., à la nature du handicap. Je pense que c'est très différent entre une personne qui est née en situation de handicap et une personne qui est devenue en situation de handicap, ce qui a été mon cas, progressivement, je suis devenu handicapé. Et y'a aussi des gens qui vont être en situation de handicap après un accident. Et je pense que, ces personnes là aussi, ont eu une vie avant, des habitudes de vie et notamment des habitudes de vie, eh bah, blanches, cis, hétéros et donc forcément ça ne part pas comme ça. Donc je pense qu'il y a déjà une différence à faire entre les deux, trois pour le coup. Aprèèès.... Moi je suis p..., alors, pour le coup peut-être pessimiste. Mais, aussi, j'ai l'impression que : en effet, on voit des femmes mais la question qu'on peut se poser c'est est-ce qu'on ne choisit pas de montrer des femmes..., lorsqu'on parle du handicap ? Hum, je le vois aussi, via des posts outre-atlantique ou outre- manche, bah c'est souvent des femmes qui sont mises en avant aussi donc, la question que moi je me pose c'est : est -ce qu'on essaye pas de donner ce, ce rôle aux femmes, de personnes qui vont chercher à bah.... faire, á décrier la vérité, à ... A être woke comme on dit. Ça me rappelle un petit peu, le podcast de Julie Duportail avec cet épisode : « est ce que tu es woke ou est ce que tu es juste pénible ?». Est ce qu'on ne cherche pas à donner ce rôle -là ? Je, je ne sais pas, c'est juste une question que, que je me pose.

Hermine : Est-ce, est-ce que c'est pas, genre, c'est toujours les femmes qui vont faire de la pédagogie en fait ? En gros. Fin, qu'on va mettre en avant pour expliquer les choses et...

Damien : Ouais, tout à fait, je pense ! Ça rejoint aussi ça, qu'on essaye de prêter..., des, des rôles aux femmes, parce qu'elles sont femmes alors que pas du tout. Là je voyais, j'ai un, un collègue qui a posté sur le, le slack un billet d'un moteur de recherche de Google translate, qui traduisait d'une langue normalement neutre, genre suédois ou quoi, et on voyait très bien que en fonction de ce que ça traduisait c'était il ou elle. Genre : il travaille mais elle est nue. Et tu fais mais comment ça ? (Rire)

Hermine : Et après la langue française n'est pas du tout sexiste, n'est-ce pas ? Voilà, voilà. Mais oui, vaste question et pas mal de pistes de réflexion du coup.

Alistair : Ça me rappelle que j'avais un autre truc à dire très rapidement.

Hermine : Ouais.

Alistair : C'est tout bête mais y'a aussi beaucoup plus de femmes handicapées que d'hommes handicapés en fait, il me semble.

Hermine : C'est vrai. ( Rire d'Alistair)

Alistair : Fin je, je sais pas sur le handicap en général, mais je suis quasiment sûr que sur les maladies chroniques, on touche beaucoup plus de femmes que d'hommes et du coup, bah forcément ça joue aussi quoi.

Hermine : Et pis, ouais en fait ce que tu me dis, ce que tu dis, ça fait penser à... : juste les personnes qui ont un utérus et l'endométriose et tout ce qui va, fin ouais, tout ce qui va avec, quand t'as un utérus...

Alistair : Puis, plus tu vis de violences et puis plus t'as de risques d'être malade aussi, fin y'a... Globalement y'a des tendances qui font que, effectivement, bah que ce soient pour des raisons biologiques, sociales, d'accès à la médecine tout ça, les femmes sont quand même globalement plus malades et plus jeunes aussi. Du coup, j'imagine que ça peut jouer...

Hermine : Nan, c'est vrai, c'est vrai, j'avais pas pensé mais c'est vrai, totalement. Et bah du coup, ma prochaine question eeeest totalement en lien, comme quoi j'avais vraiment bien préparer mes questions (rire). La prochaine question est totalement en lien avec..., ce dont on vient de parler, qui est du coup plus sur... Bah, le lien avec la masculinité toxique et le, le validisme et le handicap et toutes ces notions de courage et de : il faut être fort et résilient et pour être un bon handicapé et pour..., et il faut pas se plaindre et, et... Et d'ailleurs, au passage, entre parenthèses, j'en ai marre de votre résilience, vous pouvez vous la garder votre résilience, merci bien ! Mais du coup, ouais, quand tu cumules..., masculinité et handicap, comment on, on se construit en fait, en tant que mec handi avec tout ça ? Parce que je trouve que y'a pas mal de parallèles à faire justement avec la masculinité toxique, le fait de genre pas de plaindre et de garder les choses pour soi, pour pas être fardeau pour la société ( petit rire ironique). Et moi la première hein, moi je travaille encore beaucoup là-dessus à.... : savoir que c'est ok de dire quand ça va pas, surtout au niveau santé mentale, n'est-ce pas ? Et que ouais, fin voilà, y'a pleins pleins de ponts à faire avec la masculinité toxique. Du coup..., comment vous vous arrivez à gérer un peu tout ça ? (Rire)

Damien : Au secours ! Euh ...

Hermine : (Rire) Vaste question numéro 2 (rire)

Alistair : Si tu veux un moment pour réfléchir, je peux commencer hein, c'est comme tu veux. Hmmm, bah déjà moi je pense que c'est vrai que y'a des oppositions entre guillemets entre l'idée qu'on se fait du handicap et l'idée qu'on se fait de la masculinité, cela étant, le point précis que tu mobilisais de genre : ne pas se plaindre pour pas être un poids pour les autres et tout, je pense que c'est quelque chose que les femmes vivent beaucoup aussi, fin même en dehors du handicap. Le fait que quand t'es une meuf, bah, on va partir du principe que y'a pleins de choses que c'est à toi de les faire. Plus que tu vois quand t'es un homme, et que, bah voilà, t'as pas à te plaindre que, en fait c'est à toi de gérer tout le temps la maison, et que genre si ton mec il fait des choses, genre il te donne un coup de main tu vois (Rire) ? J'ai l'impression que, y'a quelques choses où les femmes ont le droit d'être émotionnelles, mais si c'est pour être disponibles émotionnellement pour les autres en fait, pas forcément dans le sens que t'as le droit de juste en avoir marre et de pas avoir envie de faire des trucs pour les autres et dire non en fait c'est difficile je m'arrête, tu vois ? Je suis pas sûr que ce soit plus autorisé pour les femmes que pour les hommes, voire peut-être même l'inverse,où un homme si il dit : «non mais en fait, vraiment, là c'est trop, je vais pas pouvoir faire ça », ce sera peut-être limite plus acceptable que si c'est une femme qui le fait, je sais pas. Je pense que ça dépend vachement du contexte, mais ça me paraît pas... Aussi séparé que ça sur ce point -là précisément. Par contre, c'est sûr que sur la vision de..., de performance, fin ouais, la masculinité est vachement liée au fait de, d'être performant, d'être efficace, d'être fort, d'être tout ça... Et effectivement, forcément c'est pas toujours quelque chose qui va être compatible avec le handicap. Ouais, moi c'est vrai que du coup je suis un mec trans, c'est aussi des questions qui sont ...., apparues dans mon parcours parce que, bah, on m'a pas donné la masculinité quand je suis né, quoi. C'est un truc que j'ai, je sais pas si je l'ai choisie, mais en tout cas, c'est quelque chose que j'ai peut-être plus construit, plus volontairement que d'autres mecs cis. Et il se trouve que je suis devenu de plus en plus handicapé pendant les mêmes années que, où j'ai transitionné et du coup.... Y'a quelque chose où pour moi j'ai l'impression d'avoir transitionné de être une meuf valide à être un mec handicapé. Et en même temps... Ça a été un obstacle par certains aspects, parce que c'est vrai que j'ai commencé ma transition sociale y'a..., plus de cinq ans et j'ai commencé ma transition médicale y'a un an et l'écart entre ces deux choses là pour moi, sont aussi beaucoup fait..., lié au fait de, j'avais pas l'impression qu'une masculinité vraiment masculine entre guillemets, elle m'était accessible de toute façon. Je savais que je voulais pas être une meuf et que j'étais pas une meuf et que voilà, mais y'avait où je me disais : « Mais de toute façon..., fin je vois bien que...même quand je passe pour un mec bah...» .Je sais pas, je suis allée à un concert avec mon copain, on m'a demandé si j'étais son fils tu vois? J'étais en fait : non j'ai pas 12 ans (rire). J'ai fait un test PCR, on me dit : ah mais on le fait pas sur les mineurs, il faut que tu viennes avec tes parents. Genre, certes, j'ai 24 ans quoi, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ( Rires)!

Hermine : Ah punaise, l'identification des personnes handicapées !

Alistair : Voilà. Et, et c'est vrai que je voyais bien que bah, forcément avec l'autisme, tu vois, si tu, tu regardes pas dans les yeux, t'as du mal à t'exprimer, que... Fin voilà, je voyais bien que, que dans la manière dont je bougeais, la manière dont je parlais et caetera, y'avait un truc où j'en imposais pas quoi! Ça m'empêchait pas nécessairement de passer pour un mec, mais ça m'empêchait de passer vraiment pour un homme. Et genre je pouvais être un garçon, quoi. Fin voilà, y'avait un où j'avais l'impression que la seule masculinité qui m'était accessible, c'était une masculinité assez douce, assez enfantine, assez machin... Et du coup, y'avait quelque chose où j'avais pas envie de me poser la question de, est-ce que j'aurais envie d'une autre forme de masculinité, parce que comme j'avais l'impression que de toute façon, la quest, la réponse ce serait : ok, mais c'est pas possible, c'était plus douloureux qu'autre chose de se demander si j'en avais envie (rire las). Et du coup, ça a été quelque chose effectivement qui a eu besoin de se construire et de se déconstruire pour moi. Et en même temps dans l'autre sens, y'a pleins d'aspects dans lequel le fait d'être handicapé m'a aidé à construire ma masculinité, dans le sens où, moi notamment quand j'ai commencé à être en fauteuil roulant, bah d'un coup, je faisais du sport pour le première fois depuis 10 ans quoi, et je retrouvais une autonomie que j'avais plus avant et, pour moi personnellement, c'est dans les autres questions que t'avais prévu je crois mais, au final j'ai été presque plus perçu comme un homme en étant en fauteuil roulant que quand j'étais pas en fauteuil roulant, pour pleins de raisons dont on pourra parler si on a le temps ou pas, mais bon bref. Et en tout cas, ouais, y'a eu un truc où ça m'a vraiment aidé à me réapproprier mon corps. Et d'autre part, l'autre chose c'est que, j'ai vraiment grandi, je pense comme beaucoup de gens, dans un rapport à la médecine qui était pas... Fin tu vois ma famille était pas antivax ou je sais pas quoi, si y'avait besoin d'aller chez le médecin on allait chez le médecin et tout, mais y'avait un côté où : la médecine, c'est un espèce de mal nécessaire. Genre si vraiment y'a besoin, on va y aller mais par défaut plutôt pas. Genre moi y'a quelques années, rien que le fait de genre prendre un Doliprane parce que j'avais mal à la tête et j'étais genre : mais est ce que j'ai vraiment suffisamment mal,tu vois (rire dans la voix) Alors que genre, ça n'a aucune conséquence de prendre un Doliprane (rire) de temps en temps ! On s'en fout, tu vois ? Même si tu le prends alors que y'avait pas forcément besoin, c'est, c'est pas grave, fin... C'était pas un truc rationnel quoi, c'était vraiment juste, une espèce de position morale sur la médecine et sur le fait de, d'utiliser son corps comme un terrain d'expérience et de en fait on a le droit d'essayer des choses et de voir ce que ça fait. Et quelque part le fait de devenir de plus en plus malade, m'a forcé à sortir de ça, parce qu'à un moment j'étais juste dans une situation où, bah je sais pas, je me vidais de mon sang en fait, à un moment fallait peut-être que je prenne des médicaments quoi, qu'est-ce que tu veux que je te dise (rire dans la voix) ? Et du coup, en quelque sorte pour moi le fait de bah, du coup pour l'endométriose, j'ai pris un traitement hormonal qui était pas du tout... de transition, qui étaient des hormones féminines entre guillemets. Et en quelque sorte, c'était quand même pour moi, mon premier acte de transition, parce que c'est le moment, où ça a basculé pour moi d'être capable de me dire : « ah, en fait mon corps c'est quelque chose que j'ai le droit de toucher, que j'ai le droit de modifier...». Et du coup, le fait de rentrer par-là dans le, dans ce rapport médical et DIY un peu, à mon corps, ça c'est fait par le handicap et par... Bah, d'autres camarades handicapés, qui m'ont vraiment nourri dans ces réflexions-là de, de voilà de corps comme, comme un terrain d'expériences et comme le fait qu'on peut rajouter des choses à son corps, comme bah, des aides à la mobilité et des orthèses et caetera, et que c'est une manière d'utiliser son corps qui est valable et qu'il y a rien d'immoral et qui est pas un dernier recours si vraiment on a rien d'autre en fait, c'est pas...
Ça n'a rien de mauvais donc y'a pas besoin d'avoir une super bonne raison pour le faire, quoi. Et du coup, une fois que j'ai réussi à internaliser ça vis-à-vis du handicap, c'était beaucoup plus facile de me dire : « mais en fait, la transition c'est exactement la même chose, j'ai pas besoin d'être en détresse et d'avoir absolument besoin de me faire opérer ou de prendre des hormones, je peux juste me dire : « bah en je sais pas, j'ai envie, ça me rend heureux, c'est confortable... J'ai envie de voir ce que ça fait, j'essaie et pis on verra bien !». Et du coup... Quelque part, ouais, le, le handicap m'a forcé à, à déconstruire complètement le rapport que j'avais au corps et à qu'est ce que c'est un corps et à qu'est ce qu'on a le, qu'est ce qu'on a le droit de faire moralement de son propre corps. Et ça m'a vraiment détendu là-dedans et au final ça m'a vraiment permis de, bah de reexplorer ma masculinité et de me dire : « mais comment j'ai envie de... de faire et comment je vais la construire ?». Là où avant je me disais : « bah voilà, j'ai ce corps là, bah je sais pas je vais faire avec et il est un peu limité en termes de masculinité donc bon, voilà (rire) ! ». Alors que du coup j'ai vraiment envie de dire : bah en fait non, finalement je découvres ce que ça peut être d'être masculin et c'est quelque chose qui m'apporte beaucoup de joie, de savoir que, que je suis un homme et..., et j'ai envie de pouvoir vivre ça vraiment. Et du coup je vais juste, mettre les moyens et m'investir de manière active dans le fait de construire mon corps dans quelques chose qui me plaît. Et pour moi, c'était autant une question de transition que de handicap en fait. Et je vois pas une différence nécessairement stricte entre décider de prendre de la testostérone ou décider d'avoir un fauteuil roulant. Y'a un truc où moi, mon corps et ma santé, me disaient, bah, ça je pense que ça t'aiderait et ça ça te rendrait heureux et bah du coup, on le fait ! Et pour moi, c'est dans la même démarche quoi!

Hermine : Ouais. C'..., C'est trop intéressant comment les deux sont trop liés, fin... Moi aussi en étant non-binaire... Bref. Trop intéressant. Mais... Du coup, Damien, tu as quelque chose... Tu as eu le temps de réfléchir du coup (rires)?

Damien : Oui! Oui, oui. Nan, j'ai, j'ai surréagi tout à l'heure, mais c'est qu'il y a, ouais, beaucoup de choses à dire comme là ce que vient de dire Alistair. Fin moi y'a quelques temps de ça, j'ai pu lire Paul B. Preciado et Un appartement sur Uranus, et en fait, c'est fou de voir que même en étant un mec cis hétéro, bah sur certains segments, je me reconnaissais, parce que, bah, mon handicap est dégénératif et est progressif et donc, on peut trouver pas mal d'éléments communs, euh, avec la transition. Et notamment, y'a une nouvelle où il parle précisément de sa voix et de son changement de, de voix. En sachant que moi, j'ai des problèmes d'élocution que j'essaie toujours de compenser, de faire des efforts pour rester compréhensible, euh, bah de suite forcément, ça m'a, bah ça m'a touché et, j'ai compris qu'en fait, on était tous pareils quoi. Et ça, c'est, c'est très fort. Mais, sinon, parlons donc un peu de moi. Alors, moi en fait, il faut, faut savoir que vu que j'ai commencé à être handicapé..., bien plus tard puisque j'ai été diagnostiqué à 17 ans, je suis en fauteuil roulant depuis mes 24 ans et j'ai 30 ans aujourd'hui. Et je pense que ma masculinité a évolué par rapport à ça aussi, bien évidemment. Et la grosse différence, contrairement à, à Alistair, moi je ne trouve pas qu'en fauteuil roulant, on me considère comme un homme.

Hermine : Est-ce que c'est même plutôt l'inverse ?

Damien : Je, je sais pas si c'est l'inverse, mais je vais reprendre ce que m'a dit Lisa Rojas ..., lorsque j'ai pu l'avoir dans mon émission, on a parlé forcément de féminité, de féminisme, et... Pour moi, je disais : « bah est-ce que la femme handicapée, est-ce que ça ne rejoint pas un petit peu le principe de la demoiselle en détresse ? ». Et elle m'a répondu : « Alors, en détresse, oui, mais demoiselle, non. On n'est pas reconnue.». Et je pense que, en temps qu'homme c'est un peu similaire : on peut reconnaître, ce qu'on fait qui est assez fou, alors, d'ailleurs, je comprends pas toujours ce principe là mais soit, on fait des choses assez incroyables. Mais, tout en étant pas un homme forcément. Je ne sais pas encore comment me disposer par rapport à ça, et ça fait lien aussi à quelque chose dont tu as parlé tout à l'heure, qui m’a fait penser, aux différentes types de masculinités, et on parlait de la masculinité handicapée comme une masculinité marginalisée et qui a, une dynamique aussi, où : les masculinités marginalisées et autres que hégémoniques, vont toujours chercher une forme de validation et, j'ai pu observer ça chez moi, c'est-à-dire que y'a des, des éléments où je me dis : est-ce que je fais ça pour moi, ou est-ce que je fais ça pour qu'on me considère comme valide ? En sachant très bien que ce n'est pas possible puisque le fauteuil roulant, on ne peut pas trop... l'invisibiliser. Donc, on se pose beaucoup de questions et je trouve qu'il y a aussi un rapport dans le handicap, dans le mien en tout cas, qui cherche toujours à ralentir la progression, à aller contre le handicap quelque part. Euh, bah y'a aussi un, quelque chose de très masculin de se battre contre l'impossible. Je fais du sport, et j'ai l'impression que le sport y'a, dans le sport te fait toujours beaucoup de bien, mais y'a aussi ce combat, direct, avec le handicap, où des fois vraiment, on, on se bat contre lui et des fois on est avec lui, c'est souvent la petite différence entre, on se bien et on se sent pas bien. Je trouve que quand on arrive à trouver ce juste milieu de, on travaille avec le handicap et on se rend compte qu'on peut faire encore plein de choses, bah de suite on est beaucoup plus... zen dans notre peau et... Je pense que y'a aussi, dans le rapport à l'autre, cette difficulté parce que on voit dans le regard de l'autre, qu'ils ont du mal à nous identifier, que ils nous disent : « Oh waow, ce que tu fais c'est trop fort!». Mais que toi en même temps, t'es là, tu fais : « bah en fait, je fais comme toi, je fais juste dès choses qui me font du sens, qui me donnent envie d'aller plus loin, qui me motivent, donc finalement pourquoi tu, tu me dis ça ?» J'ai le petit pin's de ...

Hermine : (rire) De Vivre Avec (rire)

Damien : Tout à fait : Je ne suis pas ta leçon de vie. Et les gens réagissent dessus mais moi dans ma tête je me demande si ils comprennent vraiment de quoi ça s'agit en fait.

Hermine : Ouais. L'inspiration porn, n'est-ce pas ? Allez voir le Ted talk de Stella Young sur Youtube, je crois qu'il est sous-titré, je sais plus, mais bref, si vous voulez savoir c'est quoi l'inspiration porn, allez voir ce Ted talk, merci.

Alistair : Moi, je veux bien rebondir sur un truc qu'à dit Damien si c'est possible ?

Hermine : Oui, je t'en prie. Vas-y

Alistair : Je, je, je, j'y avais pas pensé avant, mais en t'écoutant j'ai l'impression que, instinctivement peut-être on pourrait se dire que justement ce truc de voir les personnes handicapées et de leur dire : « ah là là, ce que tu fais c'est incroyable, c'est un espèce d'exploit et caetera », ça pourrait être validant, (petit rire), “validant”, validant dans la masculinité en mode : waouh, tu vois, genre t'as fait un, un truc sportif incroyable ou je sais pas quoi, alors qu'en fait, y'a quelque chose où la nature de, bah de l'inspiration porn comme tu dis, et de ce truc de, genre, sensationnaliser les actions qu'on fait, designe justement que ce qu'on fait, n'est pas une action de personnes valides, c'est-à-dire, on fait la même chose qu'une personne valide et c'est exceptionnel parce que on est handicapé. Mais du coup, cette chose de dire : « ah, c'est exceptionnel», ne nous place pas du tout au même endroit que quand on dit à genre, un sportif valide de haut niveau, ah ce qui fait c'est exceptionnel. C'est pas parce que finalement, leur, les mêmes phrases, entre guillemets, sont utilisées et le même espèce de concept, de loin, est utilisé que ça..., que ça place au même endroit en fait. Et du coup c'est pas forcément quelque chose de validant, ni dans notre genre, ni dans notre humanité d'une manière générale, parce que c'est pas l'objectif. C'est pas l'objectif de dire :« ah, tu fais un truc qui, me paraît.,.. exceptionnel ou intéressant ou puissant dans mon, dans ma vie de personne valide, ça me paraît exceptionnel et puissant et caetera», parce que c'est en dehors de mon cadre de perceptions et de la manière dont j'imagine les choses, pas parce que c'est intéressant en soi. Et, fin voilà, je sais pas trop comment finir cette phrase et expliquer ça, mais en tout cas ça me, ça me parle de cette manière là.

Damien : Je peux peut-être essayer de finir, j’ai l’impression que ça… ça rejoint le fait… l’effet flatteur que va avoir l’inspiration porn en fait, les personnes valides ne le font pas tellement pour nous, ils le font pour eux. Le nombre de fois où je remarque que les personnes valides se flattent de ce que je fais, euh bon, déjà objectifier ce que je fais, j’adore, mais c’est vraiment, ben assez sale et au final c’est même plus insultant qu’autre chose. Encore une fois je vais citer Elisa Rojas, je fais un petit peu ma groupie, mais sur un podcast, elle parlait que les compliments venaient de personnes qui ne comprennent totalement rien à notre vécu et donc forcément ça casse totalement la nature du compliment et son intention. Et au final ça n’a plus rien à voir, moi je sais que dans, dans le stand up que je fais depuis un an, ben les gens me disent « c’est trop bien, félicitations, super et tout » et moi je reste toujours assez en retrait parce que je me dis : Mais en fait, vous ne savez pas ! Donc la puissance que vous pourrait avoir ce compliment de base, ben en fait elle est totalement cassée.

Hermine : Oui puis il y a ce truc aussi de, ils disent un peu ça pour se rassurer, genre : « Wouah c’est génial ce que tu fais », et il y a le fameux, après : « Moi je pourrais pas faire ça », genre (rire) : « Moi, à ta place, je pourrais pas faire ça », et juste ça c’est horrible, genre, arrêtez de… arrêtez dire ça s’il vous plait, merci. C’est, c’est plus possible… voilà. À une époque j’avais beaucoup de vie sociale, n’est-ce pas, à une époque, et à chaque fois que je sortais, mais à CHAQUE FOIS, on me sortait des trucs comme ça ! Et donc, évidemment, au bout d’un moment t’as plus envie de sortir en fait, parce que c’est fatigant ! Et, ouais, on n'est pas là pour vous rassurer les valides en fait… voilà. C’était mon petit message…

Damien : Je suis en train de me rappeler, un petit détail que ça m’a mis en tête lorsque tu as posé ta questions, quand tu parlais justement de ce courage, de jamais parler quand ça…ça va pas. Je trouve qu’en tant que personne handicapée on va être soumis à la même dynamique que le resting bitch faces, alors, pour celles et ceux qui ne voient pas ce que c’est, c’est que les femmes doivent se forcer à sourire et j’ai l’impression qu’en tant que personne handicapée c’est pareil, on doit se forcer à sourire parce qu’il ne faudrait pas heurter de la sensibi… la sensibilité des personnes valides, et leur imposer, ben cette vision apparemment misérable de l’être humain, alors que c’est juste une vision de l’être humain, point.

Hermine : Ouais, nan, c’est clair. Et oui, et puis il faut pas… il faut être un « gentil handicapé », il faut pas gueuler, il faut pas râler quand ça va pas, il faut pas dire les choses, il faut garder les choses pour soi, et moi le nombre de fois ou j’ai répondu un peu méchamment à des valides et qu’ils m’ont regardé d’un air surpris, ils s’attendaient pas du tout à ça. Bref, il y a pleins de liens à faire entre le… le genre et le handicap, et c’est trop intéressant. Et l’occasion de rappeler que le genre est une construction sociale, et le handicap aussi n’est-ce pas ? Le modèle social du handicap, encore une fois si vous savez pas encore ce que c’est… D’ailleurs je crois que Alistair tu as fait une vidéo là-dessus, non ?

Alistair : J’ai une très vieille vidéo là-dessus, et j’ai aussi une conférence qui a été filmée et qui a été mis sur ma chaine, et j’ai aussi une vidéo « le modèle social du handicap expliqué par Naruto » qui dure quatre minutes. Pour les gens qui ont pas envie d’écouter une conférence de quarante-cinq minutes, ça dépend un peu de votre motivation (rire) !

Hermine : (Rire), c’est celle sur… avec Naruto que j’ai regardé qui est franchement très bien faite, franchement la métaphore est géniale, voilà, allez voir tout ceci. Je mettrai, je mettrai des liens, je mettrai des références et tout parce que… fort, fort intéressant. Et du coup ma prochaine question va encore parler de Elisa Rojas d’ailleurs (rire bref), on est trop des fanpeople aujourd’hui, de Elisa Rojas ici. Mais du coup, oui Alistair j’ai eu envie de t’inviter parce que, parce que j’ai… écouté ce super podcast de septante minutes avec que tu as fait avec Elisa Rojas, et où tu disais en fait que les personnes ne te genraient pas au féminin, enfin qu’on te genrait tout le temps au masculin, sauf quand tu utilisais un déambulateur (rire). Et j’ai trouvé ça trop intéressant sur… sur ben… genre comment les aides à… à la mobilité impactent sur la vision du genre et tout. Et du coup, est-ce que tu pourrais un peu développer ça, et est-ce que en fait, est-ce que ça t’est arrivé de nouveau avec d’autres aides à la mobilité ou pas ? Enfin… voilà.

Alistair : Ouais je vais pouvoir faire une update comme j’ai un fauteuil roulant depuis… j’ai eu le fauteuil roulant depuis le moment où on attendait cet… cet épisode du coup. Et j’ai aussi fait ma transition médicale, enfin du coup genre, j’ai… j’ai des updates (rire) !

Hermine : Trop bien !

Alistair : Donc du coup c’est, c’est mon… ça a été mon expérience pendant longtemps, et c’est l’expérience de beaucoup de personnes handicapées, notamment de mecs trans handicapés, je pense que ça doit jouer aussi, de… se faire mégenrer, de se faire genrer au féminin, à partir du moment où on utilise une canne, un déambulateur, un fauteuil roulant etc. Et ce même chez des personnes qui ont transitionné médicalement, portent la barbe, enfin vraiment, c’est pas juste une question de mec trans qui a un passing un peu flou et du coup ça fait tomber le truc d’un côté où de l’autre quoi. Et… je sais pas si le fait que moi je l’ai principalement vu avec des mecs trans, ou juste lié au fait que je fréquente principalement des mecs trans, ou si c’est au fait que ça arrive particulièrement plus aux mecs trans parce qu’on a aussi des habitudes dans la manière dont… dont on parle, dont on bouge etc qui peuvent être genre, ben liés à la manière dont on a grandi en tant que femme pendant un moment ou pas. Donc je sais pas, voilà, je sais pas à quel point c’est un truc qui joue ou pas parce que mon échantillon de base est un peu biaisé (rire). Mais en tout cas c’est quelque chose que, ouais j’ai vu beaucoup et que moi j’ai constaté que effectivement quand j’avais une canne ou quand j’avais un déambulateur on me genrait plus au féminin que quand j’étais juste à pied. J’ai l’impression que peut-être les béquilles font pas autant cet effet parce qu’il y a plus un côté … où tu peux faire… tu peux passer ça pour genre : T’es un jeune qui a une entorse. Les béquilles, suivant les personnes, le contexte, etc...vont pas forcément être identifiées comme un signe de handicap, ou pas de la même manière, donc voilà c’est un peu une classe qui peut être un peu à part. Mais du coup ouais, ça m’est beaucoup arrivé et j’avais ce même, alors à l’époque où je disais ça avec Elisa Rojas, j’avais ce même témoignage d’un certain nombre de mecs en fauteuil roulant, et du coup je me suis dit : « Ben quand j’aurai mon fauteuil roulant, ben ce sera pareil ». Et quelle ne fut pas ma surprise ! (rire), Bah c’est pas du tout ça qui s’est passé ! Mais du coup, voilà, je pense que c’est intéressant que je parle un peu de comment ça s’est passé pour moi, mais c’est juste pour dire que, de tous les gens avec qui j’en ai parlé j’ai l’impression que mon cas est plus une exception que la règle. Mais effectivement, quand j’ai commencé à être en fauteuil roulant on m’a plus genré au masculin qu’avant. Alors, je pense qu’il y a aussi mon ressenti intérieur qui jouait, dans le sens où moi, j’ai vécu le fait d’être en fauteuil roulant, comme quelque chose qui validait ma masculinité en quelque sorte, en tout cas je me sentais vachement plus à l’aise vis-à-vis de ça, et moins dysphorique et plus euphorique etc. en étant en fauteuil, que genre en étant… mais je pense que c’est aussi parce que je suis pas passé de « être à pied » à « être en fauteuil ». Je suis passé de genre « être en canne » ou « être en déambulateur » à « être en fauteuil » et du coup il y a quelque chose où j’étais sur des aides à la mobilité, et je suis en fauteuil manuel et actif aussi, ce qui je pense fait beaucoup de différence. Du coup je suis passé d’aides à la mobilité qui sont souvent identifiées comme des trucs de vieux, et qui font, qui font, qui font « handicapé » d’une autre manière que d’être dans un fauteuil manuel actif. Et… je pense que parmi les choses qui ont joué, j’ai aussi un fauteuil qui a juste un design qui est relativement sportif, et que moi je l’utilise d’une manière qui est relativement sportive parce que, ben… la manière dont mon corps fonctionne et genre les besoins que j’ai, et les outils que j’ai etc. font que c’est comme ça. J’ai tout simplement, c’est, c’est con et j’ai le privilège d’avoir pu payer un fauteuil qui est juste de très bonne qualité et cher. Mais du coup ça se voit, c’est-à-dire que il fait pas… ça donne pas du tout le même effet d’avoir un fauteuil roulant qui, ben, va être plus large, plus lourd, plus gros etc., que d’avoir un fauteuil qui, ben, est super épuré parce que tu peux te payer des gentes en carbones, enfin, c’est bête mais genre les moyen financiers que t’as vont aussi jouer là-dessus parce que ben… le fait d’avoir des outils médicaux qui ressemblent pas trop à des outils médicaux pourris, c’est super cher en fait !(Rire)

Hermine : C’est clair, c’est clair

Alistair : C’est cher et c’est même des fois pas possible suivant les besoins que t’as, il y a des trucs qui juste, ont l’air de matériel médical tout le temps et n’existent pas sous des formats plus tranquilles, même pour des choses qui pourraient tout à fait l’être, enfin genre, tu vois les sièges de douche ou des trucs comme ça, ça pourrait être design et sympa et c’est toujours dans des couleurs dégueulasses d’hôpital, enfin… tu vois (rire) Il y a pleins de trucs comme ça, où, enfin... Donc je pense que, voilà. C’est, où je dis… ça va beaucoup dépendre de ton handicap, et de tes besoins, et de la manière dont tu peux utiliser un outil, ou pas, et dont tu peux te permette d’acheter, un certain type d’outil ou pas, mais dans mon cas précis je me suis retrouvé dans une situation où, je suis passé de… petit mec handicapé avec un déambulateur, à mec qui, je pense dans un certain nombre de cas est aussi identifié comme… je pense qu’un certain nombre de gens m’identifie comme genre, un mec paraplégique. Ce que je ne suis pas. Mais… tous les signaux que j’envoie me permettent de rentrer dans cette case très spécifique de : mec cis valide qui a eu un accident mais c’est le seul truc qui est handicapé à propos de lui (rire), ce qui est pas du tout la même chose que d’être une personne malade chronique, ou d’être une personne qui a un handicap qui est… ben génétique, qui est, enfin voilà qui… sont des maladies chroniques d’ailleurs. C’est pas pour dire que les mecs cis qui ont eu un accident ne vivent pas de validisme parce que évidemment c’est pas le cas. Mais comme disait Damien tout à l’heure la, la différence entre être devenu·e handicapé·e… être né·e handicapé·e, être devenu·e handicapé·e progressivement ou être devenu·e handicapé·e d’un coup suite à un accident c’est pas du tout la même chose. Et dans ton vécu à toi, et à l’endroit ou ça te place, mais aussi dans la manière dont les gens te perçoivent. Parce qu’il y a quelque chose où, la personne qui est devenue handicapée suite à un accident, et surtout quand c’est un handicap qui, dans la tête des gens en tout cas, a l’air limité à quelque chose de précis, parce que les gens voient beaucoup la paraplégie comme genre, ben ils peuvent pas utiliser leurs jambes mais sinon c’est des gens comme les autres entre guillemets, ce qui est pas nécessairement vrai mais c’est l’idée que les gens en ont. Ça te met dans un endroit qui est quand même spécifique dans le sens où je pense que… quelque chose qui joue c’est que les personnes valides peuvent s’identifier à ça. Encore une fois pas forcément de manière juste parce qu’elles ont pleins d’idées sur la paraplégie qui sont complétement fausses. Mais dans l’idée qu’elles s’en font il y a un truc genre : « C’est quelqu’un qui est comme moi et qui juste peut pas bouger ses jambes, et ça pourrait m’arriver. » Et ces deux paramètres-là font que ça place quand même à un endroit qui est assez différent, et même si c’est en fait, de fait pas du tout ma situation, je pense qu’un certain nombre de gens m’identifient comme ça, et du coup il y a quelque chose où l’atteinte à la masculinité entre guillemets me parait beaucoup plus limitée, parce que du coup ouais il y a quelque chose où… les personnes voient pas forcément mon handicap comme quelque chose qui envahit chaque… enfin tout, tout ce que je suis, et qui les voit comme quelque chose de plus limité, et contenu à genre, un problème précis entre guillemets

Hermine : Ouais genre « oui, c’est juste tes jambes » et du coup…

Alistair : Ouais, c’est ça. Donc je, je pense… je sais pas parce que j’interview pas les gens dans la rue pour savoir pourquoi ils pensent que je suis un homme (rire dans la voix), et que forcément le fait que moi je me sens mieux, la manière dont je suis maintenant, en projetant je me dis «  ah, les gens doivent me percevoir d’une meilleure manière » alors que si ça se trouve, absolument pas, c’est juste que j’ai plus confiance en moi, tu vois genre, je sais pas à quel point il y a ces biais-là aussi. Mais j’ai l’impression que… ouais, c’est quelque chose quand même, qui… qui joue. Et il y a un autre truc que je voulais dire, c’était quelque chose dont on a parlé avec Elisa à l’époque, et en le réécoutant je me suis dit : « Mhh, quand même, il y a des trucs qui sont pas tout à fait justes dans ce qu’on a dit. » Du coup c’est l’occasion de faire un petit… aparté. On parlait du fait que… je disais un moment que le handicap c’était généralement démasculinisant, et c’est un peu ce dont on discutait dans cet épisode, et je pense que c’est vrai dans un certain nombre de cas, et il y a aussi des situations, et notamment je pense si ça s’entrecroise avec des enjeux de racisme, ou c’est  sur-masculinisant entre guillemets. Genre notamment je pense aux mecs noirs autistes, psychotiques, ce genre de chose, ou les signes de leur handicap psy vont être lus beaucoup plus comme des signes d’agressivité et parce que c’est des mecs, et parce qu’ils sont racisés. Ou il y a un truc où genre, si moi personnellement, je m’assois quelque part dans la rue, et je me balance, et je commence à parler tout seul, on va probablement moins se dire que je suis dangereux et que je vais être agressif que si j’étais un mec noir. Et peut-être qu’on va plus se le dire pour moi que si j’étais une meuf blanche. Enfin il y a un truc où… voilà, ces différents enjeux, je pense qu’au niveau, surtout du handicap psy, mais peut-être aussi dans certains cas du handicap physique, de la dangerosité qui va pouvoir interagir avec des questions de masculinité , et au contraire, plutôt que de… d’affaiblir où d’atténuer cette question, cette présence de la masculinité va la renforcer, mais pas d’une bonne manière, d’une manière de genre : « Ah c’est dangereux, ah c’est agressif, ah il faut l’attaquer ». Et… voilà, c’est un truc que j’ai pas entendu parler tant que ça et je pense que c’est important parce ben, genre dans les enjeux de violence policière c’est quelque chose qu’on voit beaucoup. Je crois qu’on a pas de stat’ sur ça en France parce que les stat’ en France… voilà. Mais genre, aux États-Unis, tu sais, les violences policières c’est genre cinquante pourcent des personnes handicapées ou quelque chose comme ça. Enfin c’est pas cinquante pourcent des personnes handicapées qui sont victimes de violences policières, c’est les victimes qui sont à cinquante pourcent handicapées, c’était pas très clair, mais…(rire). Et qui sont souvent du coup les deux des personnes ben, des personnes notamment noires et du coup handicapées, mais souvent des personnes handicapées psy, psychotiques etc.

Hermine : Nan, c’est clair, t’as bien fait de le rappeler parce que c’est clair qu’on n’en parle pas assez. On parle très souvent du racisme mais très rarement de la psychophobie et du validisme donc, c’est important de le rappeler.

Alistair : Ouais, puis de comment ça, ça s’entrecroise beaucoup en fait. C’est-à-dire que, les personnes blanches et psychotiques ou handi-psy etc, vont pouvoir être victimes de violences policières, ça arrive aussi. Mais c’est aussi l’entrecroisement de ces deux choses qui vraiment, mais un endroit ou c’est… les deux clichés en fait de violence se renforcent l’un l’autre et créent quelque chose qui est vraiment, vraiment dangereux pour la personne, quoi. Même si indépendamment les deux sont déjà dangereux de base.

Hermine : Ouais, ouais. Nan mais complétement. Ben ouais merci d’avoir, d’avoir rappelé tout ça parce que c’est, c’est vraiment important. Et d’ailleurs je, je vais pas dire son nom mais à la base j’avais pensé à un autre invité, et pas à toi Damien, désolé (rire), mais qui était un… un homme noir, handicapé du coup. Et qui m’a dit, je lui ai demandé, et il m’a dit que il faisait une pause du militantisme parce que… parce que voilà, il devait être fatigué, et qu’il en avait besoin, et je pense que le fait qu’il soit noir et handicapé ça a clairement joué. C’est très intéressant et merci d’en avoir parlé, et ouais, et moi ça m’a fait penser à pleins de trucs aussi, ben notamment juste le fait que depuis que je me suis rasé la tête et depuis que j’ai compris que j’étais non-binaire, c’est marrant les deux sont arrivés un peu en même temps (rire bref), je ne crois pas que ça soit une coïncidence !

Alistair : Un phénomène très rare ! (Rire)

Hermine : (Rire), et du coup, depuis que j’ai les cheveux courts il y a vachement plus de gens qui m’appellent « Monsieur » dans la rue, et dans l’espace public et tout, alors que en soi j’ai rien changé à mes fringues, ou à… j’ai pas changé de fauteuil, j’ai, enfin j’ai toujours le même fauteuil six roues, très imposant et tout, et… et on m’appelle vachement plus « Monsieur » qu’avant, alors que j’ai juste coupé mes cheveux, quoi… c’est assez incroyable. Mais du coup, je me demande, tu vois, si quand je vais changer de fauteuil, parce que je prévois d’avoir un fauteuil un peu moins imposant justement, et, quand j’aurai un fauteuil plus petit et tout, est-ce que les gens vont se remettre à m’appeler plus souvent « Madame » ? Ou qu’est-ce que… comment ça va se passer ? Enfin c’est… c’est rigolo, ouais, de voir comment ça influe la perception des genres…

Alisair : Moi je trouve que ce que tu dis, ouais justement ça revient un peu à qu’on disait tout à l’heure sur le fait que… et c’est ce… il me semble que c’est ce qu’a dit Elisa à un moment donné aussi (rire), on aurait dû l’inviter hein (rire)… qui, que le handicap c’est pas tant démasculinisant mais c’est dégenrant en fait. C’est-à-dire que genre, on m’appelle plus madame alors que je suis un mec, mais en même temps on t’appelle plus monsieur...Enfin, tu vois, il y a un truc où, c’est plus facile d’être sorti·e de la masculinité, mais c’est aussi plus facile d’être sorti·e de la féminité. C’est juste qu’on est juste pas tellement mis dans ces cases et de toute façon on va être genré quand même parce que, ben… la langue est comme ça quoi.

Hermine : Mais je pense que c’est pour ça aussi… enfin moi, d’après enfin, d’après mon expérience et d’après les personnes que je côtoie, c’est pas pour rien qu’il y a autant de personnes non-binaires qui sont aussi handicapées. En fait quand t’as un corps qui rentre pas dans les normes valides, ben... Et qui rentre pas dans les normes de féminité ou de masculinité forcément après t’as plus un peu le cul entre deux chaises quoi (rire), façon de parler, et du coup t’es moins dans cette binarité-là et… ouais, enfin je pense que c’est clairement pas un coïncidence qu’on soit si nombreux à être non-binaires et handi quoi.

Alistair : Ben c’est sûr que de toute façon, quelle quoi soit notre identité, il y a quelque-chose où… qu’on soit non-binaire ou binaire, cis, trans, peu importe, on va être plus ou moins traité, en termes de genre, comme une catégorie à part, qui est pas forcément non-binaire, ça peut être que « femme handicapée » ou « homme handicapé », c’est un genre différent de « femme valide » et « homme valide », quoi ! Mais en tout cas c’est sûr que ça va influencer ça. Mais du coup Damien, ça m’intéresse de te poser la question de est-ce que ça t’es arrivé que des gens te genrent au féminin ou est-ce que c’est un truc qui t’arrive pas du tout ?

Damien : Euhh… non, pour le coup moi je pense pas que ça m’est arrivé. Euh je pense que j’ai aussi des attributs qui… qui aident à ça, c’est-à-dire que j’ai une barde et je parle relativement fort, donc, je ne pense pas que les gens aient ce choix, du moins pas au premier abord… c’est vrai par contre que dans les pratiques sociables et quand j’essaie de… de discuter, d’avoir des relations avec les gens, je trouve que là il y a quelque chose de plus complexe qui se met en place, au-delà de, de choisir les bon pronoms, de pas mégenrer, je trouve que les gens ont du mal à savoir où me placer dans les relations sociales : Est-ce qu’on est… est-ce qu’on est ami·es ? Est-ce qu’on est amoureux ? Est-ce qu’on discute simplement ? Et des fois… souvent même j’ai l’impression que, pour les femmes valides, souvent on me soupçonne de vouloir faire du sexe, très vite. Parce que ben, forcément, les handicapés ils sont en chien. Et là je trouve que là justement ça vient comboter avec le fait que les hommes de manière général, de toute façon sont, sont en chien aussi, et j’ai l’impression qu’il y a en effet cet… cet effet-là où derrière les, les femmes aussi peuvent très bien avoir, du plaisir à nous parler en plus, derrière si il y a un syndrome de l’infièremière etc. on est la cible parfaite, alors que c’est pas du tout ce qu’on… ce qu’on cherche et ce qu’on veut. Et qu’il y a à nouveau ce phénomène de… de flattage d’égo, qu’on a pu décrire un peu plus tôt et que en fait dès que toi tu essayes d’aller un peu plus loin parce que tu crois que c’est… un message pour te dire que tu peux aller un peu plus loin, mais en fait, pas du tout ! C’est juste que la personne est en train de se faire un trip de elle à elle-même et donc toi t’es pas dans la relation finalement, tu fais « ah ben… super (rire), super »

Hermine : Ouais. Mais, du coup quand tu dis que… genre les hommes handi sont perçus comme étant en chien tout le temps et tout, est-ce que tu penses qu’il y a pas un truc de genre « les hommes handi ils sont en chien parce que ils sont frustrés et que ils ont pas accès à la sexualité » machin... ?

Damien : Exactement. Je pense que ouais, il y a, il y a ça, clairement, et que je pense que si que le… la brave personne handicapée n’y a jamais gouté. Je pense qu’il y a toujours cet… cet apriori-là c’est que les personnes handicapées ne font pas de sexe.

Hermine : Eh oui, évidemment.

Damien : Eh ben… (En anglais) Surprise ! (rire général)

Alistair : En même temps ils pensent qu’on en fait pas et en même temps ils veulent qu’on… ils pensent qu’on en veut tout le temps parce qu’on fait pas, tu sais genre. Je pense que si on en voulait tout le temps on aurait trouvé un moyen, sans vouloir vous offenser ! (rire) Genre… on est quand même pas… tu vois ! (rire)

Damien : Tout à fait, tout à fait. Ils résonnent toujours dans des extrêmes, alors que nous on est juste entre les deux quoi.

Hermine : Ouais ouais, nan c’est clair. Bah d’ailleurs allez écouter l’épisode sur la sexualité n’est-ce pas, de la saison deux du podcast qui était de tête l’épisode avec Ivanka et Lisa mais je me rappelle plus du nombre. Mais si vous voyez « Ivanka et Lisa » c’est l’épisode sur la sexualité, voilà. Et il est trop bien. Et il y a encore pas de mecs cis dedans mais c’est pas grave (rire). Et d’ailleurs je tiens à préciser que les seules personnes qui m’ont fait des remarques sur le fait qu’il y avait pas de mecs cis dans le podcast, et qu’il y avait pas d’invités mecs cis et tout, eh ben, c’était des mecs cis (rire), qui m’ont fait des remarques sur la… sur la question, du coup, voilà, à méditer hein… voilà.

Damien : C’est bon, maintenant tu as le joker, le contre-kem’s, (rire d’Hermine) c’est bon.

Hermine : C’est bon ! Damien tu es mon totem ! (Rire)

Alistair : “je ne suis pas cisphobe, j’ai un ami cis !”

Hermine : (Rire) ahlala! Ben du coup voilà on arrive un peu à la fin, est-ce que vous avez quelque chose à rajouter ou pas ?

Damien : Personnellement je trouve qu’on a parlé de pleins de choses, je pense que… je n’ai pas grand-chose à rajouter de mon côté.

Hermine : Eh ben… merci beaucoup d’avoir parlé, tout ça c’était trop intéressant, mais vraiment, il faudrait faire des podcasts de trois heures en fait mais… c’est pas possible. Et du coup on arrive à la question « recommandations culturelles » qui est, comme beaucoup de personnes le savent, mon moment préféré du podcast. Du coup est-ce que vous avez une recommandation culturelle en lien avec un des sujets qu’on vient d’aborder, que ce soit un livre, une série, un film, un podcast… un podcast qui doit être sous-titré évidemment, et accessible, mais voilà. Si vous avez une recommandation avec… en lien avec ces sujets-là…

Alistair : Moi j’ai une recommandation de mauvais élève, c’est-à-dire d’un livre que j’ai pas lu, est-ce que je peux le faire quand même ou pas (rire) ?

Hermine : Ah (rire), c’est lequel ? Peut-être que je l’ai lu.

Alistair : Je pensais à « L’expérience handie » de Pierre Dufour.

Hermine : Ok, j’en ai entendu parler mais je l’ai pas lu.

Alistair : C’est un mec cis, et c’est un sociologue et… qui est en fauteuil roulant et qui a fait un bouquin de sociologie sur l’expérience handi et où dedans, parle du rapport au corps, et aussi du rapport, justement à la masculinité, comme… comment la norme valide est aussi une norme virile etc. Du coup je l’ai pas encore lu, mais mon colloc en qui j’ai une confiance absolue l’a lu, et me l’a recommandé, donc je pense, quand même que c’est un bon bouquin. Et j’ai lu un peu des extraits, tout ça, et enfin voilà, genre… J’ai les outils pour pouvoir dire avec à peu près… certaine… « certaineté », ça, ça existe pas comme mot. Certitude ? C’est ça le mot (rire bref). Avec un peu près une bonne certitude que ça doit être un bouquin intéressant, et que je vais essayer de le lire, mais voilà.

Hermine : Ok, non mais c’est bien, c’est… c’est toujours…

Alistair : C’est mieux que rien !

Hermine : (Rire), après, de toute façon si mes invité·es n’ont pas de recos, moi j’en ai toujours sous l… sous la main parce que je sais que des fois il y en a qui sèchent un peu (rire), mais ok. Du coup Damien, est-ce que t’as une reco ?

Damien : Ouais, alors moi j’en ai plusieurs. Je pensais à un livre, alors là aussi je fais un peu le mauvais… le mauvais élève. Mais c’est un livre d’une discussion entre Pierre Ancet et Marcel Nuss, et qui parle justement de la masculinité, alors il me semble, d’après ce que me dit Google ce serait « dialogues sur le handicap et l’altérité ». Je peux conseiller ça. Après moins récemment j’ai lu le livre « Sorcières » de Mona Chollet et c’était très intéressant aussi de voir aussi tous les parallèles qu’on peut faire aussi avec le handicap et notamment la femme âgée, où il y a des phénomènes de… d’exclusion assez similaire, au niveau des termes à ne jamais utiliser, la problématique d’invisibilisation, la problématique aussi de, ben de vouloir toujours être femme en fait, finalement. Et ça m’a… encore une fois j’ai fait beaucoup de… de parallèles.

Hermine : Ouais, c’est vrai que ce livre il est hyper intéressant là-dessus. Après j’ai un petit peu du mal avec Mona Chollet. Je dois dire, j’ai lu « Sorcières », comme beaucoup de gens, et j’ai beaucoup aimé ce livre, mais quand on creuse un peu on se rend compte que Mona Schollet… voilà voilà, que en fait elle a pas inventé grand-chose et qu’elle a un peu plagié beaucoup d’autres d’autrices beaucoup moins connues, et qu’elle a un peu pris ces petits privilèges de meuf blanche bourgeoise et que… voilà. Après ça reste… un bouquin qui a aidé beaucoup de gens et qui a été une porte d’entrée pour beaucoup de personnes donc ça c’est chouette. Mais voilà, je ne pouvais pas ne pas faire de critique de Mona Chollet sur mon podcast, merci. Et moi du coup j’avais aussi un livre à recommander, parce que dans le dernier épisode j’ai dit que j’allais arrêter de recommander des séries parce que ,j’en ai marre parce qu’à chaque fois les séries elles sont annulées au bout de une ou deux saisons. Et du coup j’ai dit que j’allais recommander que des livres, et ben ça allait être un peu le cas maintenant (rire bref). Du coup c’est un livre qui s’appelle « Nos existences handies » de Zig Blanquier, qui est un militant handi qui est un mec trans handi paraplégique. Et du coup c’est… « Nos existences handies » c’est un recueil de plusieurs textes qu’il a écrits, soit des articles de blog, soit des interviews auxquelles il a participé, et c’est très intéressant et très bien écrit, c’est hyper poétique et hyper beau. Et c’est vraiment un petit… un petit manuel anti-validiste quoi, c’est bien vénère comme je l’aime, sans être trop vénère non plus, mais c’est vraiment un livre que je recommande à toutes les personnes handi qui est vraiment top qui fait du bien. Et d’ailleurs, oui Zig Blanquer c’est un des rares hommes handicapés qui est présent au niveau médiatique dans la scène anti-validiste. Et j’ai entendu parler de Zig Blanquer notamment, en écoutant un podcast de France Culture qui s’appelle « La hiérarchie des vies », qui est une série de podcasts, une série documentaire, qui est HYPER INTÉRRESSANTE ! Et qui m’a fait tellement de bien ! Et qui donne tellement de force quand… quand on est, on est un peu dans ce mouvement là et que…

Alistair : Quand on n’est pas en haut de la hiérarchie ! (rire)

Hermine : N’est-ce pas ? (rire) Et que… Et vraiment, il est incroyable ce podcast, enfin… France Culture a fait un boulot incroyable parce que c’est vraiment hyper bien documenté sur l’histoire du mouvement anti-validiste en France, et comment en fait ça a commencé dans les années soixante-dix, comme aux États-Unis, mais on le sait pas ! Parce que ça a été oublié totalement. Du coup ouais il y a un travail historique qui a été fait qui est incroyable, et donc il y a pleins de personnes handi qui on été interviewées, et qui parlent de leur vécu, dont Zig Blanquer justement, et… voilà : Nos exist… ne… ça y est, je mélange tout. « La hiérarchie des vies », sur France Culture, et donc le podcast est accessible en retranscription également, n’est-ce pas. Et voilà, je pense que c’est tout. Sauf si vous avez encore quelque chose d’autre à rajouter ?

Alistair : Ouais je viens de penser à un autre livre, mais je sais pas si il est encore disponible quelque part. C’est une BD de Calvin Arium qui s’appelle « Maison de paille ». C’est pas une BD documentaire ou quoi, c’est… enfin voilà, c’est vraiment une BD de fiction, mais qui a deux personnages qui sont tous les deux des hommes. Un homme trans et un homme cis je crois… il me semble, j’ai un doute maintenant. Bref, en tout cas c’est des garçons (rire). Et les deux sont handicapés, et voilà, et ça parle de comment ils se rencontrent et de comment ils s’entraident dans le fait de découvrir, ben, qu’ils sont des hommes, et qu’ils sont handicapés et tout ça, et c’est très chouette.

Hermine : Trop chouette. Ca s’appelle comment du coup ?

Alistair : « Maison de paille »

Hermine : Ok. (Rire), pardon, il y a mon chat (rire), il y a mon chat qui est en manque d’attention et qui veut monter sur moi. Mais non chaton, tu ne peux pas faire ça enfin, ahlala. D’ailleurs mon chat qui est également handicapé et malade chronique n’est-ce pas. Parce qu’on est dans la mixité choisie ici, voilà (rire d’Alistair). Et l’occasion de rappeler que je ne suis pas professionnel·le, et que j’enregistre à distance depuis mon canapé et que j’ai un chat, et que… voilà. On fait ce qu’on peut ! N’est-ce pas ?

Alistair : C’est noté.

Hermine : Nan mais je le dis pour tout le monde, pour les gens qui nous écoutent et pour… voilà voilà. Du coup eh ben… Merci beaucoup pour tous ces échanges et tout, c’était hyper intéressant. Vraiment c’est dommage de pas pouvoir des épisodes plus longs. Si ça tenait qu’à moi ça durerait quatre heures, mais on n’a pas l’énergie, hein ? Ni le temps…

Damien : On fera un épisode deux… (Rire d’Alistair)

Hermine : Ouais, nan mais en vrai, nan, je vais pas… je vais pas spoiler maintenant. Mais j’ai des petites idées pour… J’ai des petites idées pour compenser, compenser tout ça.

Damien : Je n’en doute pas.

Hermine : (Rire) du coup… Ouais merci à tous les deux, d’avoir participé, et le sujet du prochain épisode c’est l’écologie, et l’impact du réchauffement climatique sur les personnes handi, et notamment les personnes minorisées en général, et le validisme dans le milieu écolo, n’est-ce pas ? Car c’est un vaste sujet encore. Et donc on parlera de ces sujets-là le mois prochain.

Recommandations culturelles :

Livres :

L'expérience handie de Pierre Dufour
Dialogue sur le handicap et l'altérité de Pierre Ancet et Marcel Nuss
Sorcières : La Puissance invaincue des femmes de Mona Chollet
Nos existences handies de Zig Blanquier

Podcast :

La hiérarchie des vies sur France Culture

Références :

Ted Talk de Stella Young : "I am not your inspiration, thank you very much"

Vidéo d'Alistair : Le modèle social du handicap (expliqué par Naruto)