Stéphanie

Bienvenue dans H comme Handicapé.e.s, le podcast qui donne la parole aux personnes handicapé.e.s parce-qu'on ne les entends pas assez. Pour ce quatrième épisode j'ai échangé avec Stéphanie sur les sujets du véganisme, du handicap, et des difficultés pour être végétarien ou vegan quand on est une personne handicapée. Elle m'a parlé de sa découverte du véganisme, des difficultés qu'elle a pu rencontrer et m'a aussi donner plusieurs astuces pour rendre le véganisme plus facile et plus accessible pour les personnes handis.

Alors déjà, est-ce que tu peux te présenter un peu ?

Bonjour, je m'appelle Stéphanie, j'ai 27 ans. J'habite les Pyrénées Atlantiques, mais je vais bientôt déménager du côté de Nantes. Je suis actuellement en reconversion professionnelle, dans le domaine social, peut-être conseillère en insertion professionnelle. Et avant ça j'ai fait des études de physique-chimie. 

Alors aujourd'hui on est là pour parler un peu du véganisme et du végétarisme quand on est en situation de handicap. Tu m'as dit que t'étais vegan depuis 10 ans. Comment, comment t'es arrivée un peu à t'intéresser au véganisme et à tout ça ?

En fait, j'ai des ami.e.s que j'avais rencontré dans un cadre tout à fait différent, c'est-à-dire c'était un guilde de jeux vidéo. Avec lesquels j'échangeais sur Facebook à l'époque. Puis un jour, dans la conversation ils m'ont dit qu'ils étaient vegans, et ils m'ont expliqué un peu en quoi ça consistait. J'avais 15-16 ans. Et...Et au début j'étais très réfractaire. J'avais dans ma tête les logos, les...Enfin comment dire, les slogans ancrés : les produits laitiers nos amis pour la vie. Il faut manger de la viande etc, pour être en bonne santé...La pyramide alimentaire qui inclut les produits animaux. Voilà, c'était pour moi complètement aberrant de...Comment dire ? de m'en passer. Puis, mine de rien, ça avait quand même planté une petite graine. Surtout qu'il y avait...Comment dire ? Plus j'y repensais, et plus il y avait des éléments dans ma vie passée, qui faisaient que...Que je pensais au véganisme, et que je pensais au fait que manger de la viande, c'était pas forcément un plaisir. En tout cas au niveau du goût je prenais plaisir mais...Mais surtout sur les répercussions sur les animaux où voilà, j'avais du mal avec ça. Et donc j'ai fait des recherches sur internet, à l'époque il y avait...Ça s'appelait...Alors je sais plus c'était quoi, c'était sur forumsactifs c'était un forum pour ados végétariens. Où j'ai rencontrée d'ailleurs des ami.e.s. Et voilà, j'ai échangée, j'ai discutée, et puis un jour j'ai décidée de sauter le pas. Alors d'abord végétarienne, parce-que j'étais en internat. Et que, à l'époque il y a 10 ans, c'était encore pire que maintenant quand il fallait demander des régimes adaptés par rapport au végétarisme. Voilà, et puis dès que j'ai eu mon appartement à moi, j'ai décidée que plus aucun produit animaux, ne rentrerait dans ma cuisine.  

Et du coup, à l'époque...Est-ce que ça a été facile pour toi de changer ton régime alimentaire, et tes habitudes ?

Assez facile oui. Surtout que j'ai pas eu vraiment d'opposition de la part de mes parents. Globalement les réactions que j'ai eu c'est, mon frère il s'en foutait. Mon père, tant que je mettais pas ma santé en danger, ça lui posait pas de problème, et...Si lui il avait sa viande dans son assiette, moi mon assiette me regarde. Et ma mère, elle a eu une réaction vraiment très positive où en fait elle a...Alors un peu inquiète au début. Pas tellement pour ma santé parce-que mes parents m'ont...m'ont toujours fait confiance pour euh...Bah me renseigner avant de faire les choses. Mais plutôt sur le fait qu'on avait des habitudes alimentaires qui étaient pas très équilibrées. On mangeait beaucoup steak, pâtes, un peu au plus vite. Parce-que mes parents travaillant, ce n'était pas évident pour eux. Et puis avec un budget restreint, les légumes ils passaient un peu facilement à la trappe. Et du coup, un peu inquiète au début de se dire : Ouais mais si t'enlève la viande, il reste que les pâtes quoi. (rires)  Donc euh, au final ça a été assez bénéfique dans le sens où ça a forcé un petit peu ma famille, à rajouter un petit peu des légumes, à repenser un petit peu les assiettes. Même si on restait assez simples dans la conception de nos repas. Et quand je suis devenue végétalienne, ma mère a beaucoup cherché de recettes sur Internet, parce-qu'elle aime beaucoup faire de la pâtisserie. Et donc elle s'est adaptée très vite, à aller elle-même faire ses recettes sur Internet. Faire des essais, des réussites, et des ratés...Voilà ça s'est très bien passé. Et en termes d'habitudes pour moi ça s'est fait du jour au lendemain. En fait...Un jour j'suis descendu, j'ai descendu les escaliers, et j'ai dit à ma mère : bah c'est décidé je mange plus de viande. Et au début je pensais garder un peu le poisson, pour faire une transition douce etc...Puis quelques jours après ma mère, elle m'a dit qu'elle faisait du poisson, elle m'a demandé si j'en voulais, et puis bah, en fait non. Ca me tentait pas. Puis finalement j'en ai jamais re-mangé. Voilà, et pour le lait et les oeufs, ça s'est fait aussi...Aussi assez vite en fait. Dans le sens où, j'ai dû les garder pendant un an à l'internat, même si je les esquivais autant que possible. Par exemple, j'avais remplacé le lait du matin par un thé. Quand il y avait des œufs dans les salades, je les fillais discrètement à mes copines (rires). Et bon après, dans les plats principaux, je pouvais pas trop parce-qu'il fallait aussi que je mange. Par contre à la maison, très rapidement on les a...On les a enlevés. Et dès que...Dès que j'ai eu finis le lycée, et que j'ai eu mon propre appartement, j'ai tout de suite, tout arrêté les autres produits animaux.

Ouais c'est bien que tes parents t'ai prise au sérieux dès le départ et qu'ils t'ai pas dit "Oh c'est juste une crise d'ado, ça va lui passer" ou... 

Oui ça a été une grande chance pour moi. Parce-que bah, j'étais très active sur ce forum...Je crois qu'il existe même plus parce-que c'était il y a dix ans, c'était sur forum..Forum-actifs c'était sur forumactif. S' il existe, il est peut-être plus très actif. Mais...Mais à l'époque c'était vraiment le lieu où les ados se retrouvaient pour parler végétarisme. Et, et c'est vrai qu'il y avait des sujets...Comment dire...récurrent, "mes parents ne veulent pas que je sois végétarien" etc. Et c'est vrai que moi j'avais conscience quand même de la chance que j'avais d'être...D'être bien soutenue et....Au début j'ai eu quelques, que remarques, mais mes parents se sont très vite habitués. Ce qui a moins été le cas pour mes ami.e.s. J'ai perdue pas mal d'amie.s du collège. Après, c'était pas la seule raison hein...On grandit, on change, on fait sa route... Puis on se rend compte qu'on fait pas sa route vers le même endroit. Mais je me rappelle très très bien d'une amie du collège...Chez qui...On avait passé la journée ensemble et, et le soir je devais rentrer chez moi, mais comme il était trop tard elle m'avait invité à rester le soir chez elle. Et j'ai dit "Ok par contre, tu dis à ta mère que je mange pas de viande" . Sauf que bah, ils avaient prévu un barbecue. Et moi j'ai dis "Non mais t'inquiète, j'suis pas très compliqué. Tu me coupes trois quartiers de tomates, une poignée de pâtes et c'est bon" Tu vois, je veux dire...Pour un repas je ferai pas la difficile. Mais en fait j'ai eu droit à un vrai tribunal. Je me rappelle très bien que j'étais en bout de table, et en face de moi à l'autre bout de la table il y avait le chef de famille...Patriarche, enfin tu vois le genre. Avec derrière lui la fenêtre et le barbecue. Et j'ai eu droit à un jugement ! Et c'est aller jusqu'au "Oui mais le lion il mange la gazelle". Et...J'étais pas du tout préparée à ça, j'avais 16 ans...J'étais pas du tout préparée à ça, ça a été hyper violent. Voilà, de toute façon le moment où on passe l'adolescence, c'est le moment où on fait nos...Comment dire ? On creuse notre opinion sur différents sujets qui peuvent être polémiques, y compris politiques.  Et...Faut le dire le végétarisme, même si ça peut être indépendant de la politique. Mais ça reste un sujet polémique, qui peut être associé souvent à...A un bord gauche de la politique. Alors gauche de façon très très vaste hein. Mais l'adolescence ouais, c'est un moment un peu...Un peu particulier, où on sort de l'enfance, et où on se rend compte que le monde extérieur...Bah tout le monde a pas les mêmes valeurs, les mêmes façons de voir les choses...Et voilà, je me suis pris vraiment une grosse claque ce soir là. Et ça m'a peut être fait un peu grandir du coup. 

Du coup maintenant on va passer un peu plus du côté...Handicap. Selon toi, quelles sont les plus grosses difficultés pour devenir végétarien ou vegan, quand on est une personne handicapée ?

Alors pour moi il y en a deux. En tout cas, il y en a deux qui m'ont concerné. La première c'est sur le plan nutritionnel, conception du repas...Dans le sens, qu'est-ce que je mets dans mon assiette ? Comment je m'organise ? Combien de temps ça va me prendre pour cuisiner tel plat ? Enfin...Comment je fais pour équilibrer sur la semaine ? Mes apports etc...Parce-que bon...Aujourd'hui on est un peu plus rassuré parce-qu'il y a plus de ressources. Mais il y a dix ans, c'était aussi compliqué, parce-qu'il y avait pas autant de ressources disponibles. Sur le fait d'être végétarien, au niveau des carrences...Alors il y avait quand même l'Association Végétarienne de France qui mettait quand même des choses à disposition. Mais c'était quand même assez restreint. Et moi qui suit quand même assez anxieuse...Comment dire ? J'ai un peu des problèmes organisationnels, dans le sens où j'arrive à bien m'organiser, mais...Comme je suis anxieuse j'ai besoin de prévoir les choses, surtout quand c'est un changement d'habitude. Et  c'est vrai que ça a été assez anxiogène pour moi au départ, de me dire "Ouais mais est-ce que je vais être carencée ?" en plus au début...A l'époque on parlait pas autant de la B12. Donc en fait j'ai pas été supplémentés pendant un certain nombre d'années. Aujourd'hui c'est quand même assez entendu qu'il faut se supplémenter en B12. Même si les nouveaux végétariens peuvent avoir besoin de rappel sur ça. Et sur la gravité qu'une carence peut générer. Enfin une gravité des symptômes que ça peut générer, et l'aspect potentiellement définitif de certains symptômes. Mais voilà pour moi, ça a été vraiment au début : "Qu'est-ce que je mets dans mon assiette ?" Et puis comme je t'ai dis, mes parents avaient pas forcément des habitudes alimentaires de bases très équilibrées. Donc si j'enlevais la viande, il restait que des pâtes quoi. Donc en terme d'équilibre alimentaire on y était pas. Il a vraiment fallu faire un gros travail de recherche...Réapprendre aussi les fruits et légumes de saison...Voilà, réapprendre des recettes de base. Me faire un petit porte-feuille, on va dire, mental, de repas équilibrés que je peux faire rapidement, de recettes que je maîtrise maintenant. Pour être rassuré sur ..Voilà maintenant je sais associer des légumes, je sais ce que je vais manger etc...Mais c'est vrai que ça m'a pris un peu de temps. L'autre point, il va être plus sur le plan fatigue, douleur, motricité. Parce-que, bah cuisiner ça prend du temps. Aujourd'hui on a davantage accès à des plats préparés végétariens et vegans. Je pense...Alors en supermarché on trouve beaucoup plus facilement des plats préparés, des raviolis vegans...On retrouve des steaks, ou en tout cas des galettes de céréales ou de légumes. On retouve des purées préparées, des assortiments de riz, quinoa ou d'autres choses. Il y a dix ans ça n'existait pas. Donc, l'intégralité des repas devait être préparé maison et,en plus après mon bac je suis parti en classe prépa. Alors autant te dire qu'en termes d'énergie et de temps disponible ça a été très restreint. Y compris en terme d'anxiété, ça a été aussi important. Voilà c'est vrai qu'il faut reconnaître que, quand on prépare des légumes frais, bah ça prend du temps. Ca prend de l'énergie parce-qu'il faut éplucher, il faut découper, il faut faire cuire, il faut assaisonner, il faut faire revenir à la poêle....Bon.Voilà il faut pas se leurrer, ça prend du temps. Ça prend toujours du temps aujourd'hui dix ans après. Parce-que même si effectivement on a davantage accès à, ce que je te disais au niveau des galettes de légumes, de céréales etc...Sur un plan nutritionnel elles sont pas toujours très bien faites. Et donc, même si je prends régulièrement des galettes, des nuggets, des saucisses...Pour le plaisir gustatif. Je me base pas dessus pour mon équilibre nutritionnel, parce-que je sais que...Bon, il faut savoir lire les étiquettes, et il faut savoir lire les compositions. Et certains de ces produits sont basiquement de la cellulose, et ça remplit l'estomac mais nutritionnellement bon...Voilà c'est gras salés et pas forcément adapté, aux apports nécessaires.  Et donc en étant en situation de handicap je me suis battu, pour avoir une auxiliaire de vie qui puisse m'aider à la préparation des repas. Je l'ai obtenue ce mois-ci. C'est très très récent du coup. Mais du coup il faut savoir que...L'auxiliaire de vie peut aider à la préparation des repas et à la vaisselle. L'auxiliaire de vie ne peut pas être une aide ménagère, elle peut pas faire ton ménage en théorie. Mais si c'est bien argumenter auprès de la MDPH le fait que c'est un plaisir de cuisiner, que c'est un fil conducteur dans ta vie, que c'est tenir compte de tes valeurs...Mais c'est aussi le maintien de l'autonomie, le maintien de l'activité, le maintien de la motricité...Parce-que plus on fait rien, et plus c'est compliqué de faire des choses après. Donc si c'est bien argumenter auprès de la MDPH, on peut demander des aides humaines pour la préparation des repas. Ca va pas forcément être beaucoup d'heures par semaine, mais ça peut être un petit peu d'heure pour par exemple découper des légumes frais, les éplucher...Et après si t'as encore un peu de motricité, c'est toi qui les mets à cuire par exemple. Voilà, moi mon auxiliaire de vie elle fait ça. Elle m'épluche mes carottes, elle me coupe mes oignons, elle me découpe mon chou...Elle me le met dans le frigo, et après quand moi j'ai envie de cuisiner, bah j'ai plus qu'à mettre dans la poêle, faire cuire, et voilà. 

Ouais, c'est super ouais. C'est une bonne alternative, un bon entre deux, pour pas être trop vite fatigué, et que ça prenne pas trop de temps

C'est ça. Et puis surtout garder le plaisir de cuisiner et le plaisir de...De faire ses petits plats, de...Voilà. Ca demande toujours de l'énergie, mais c'est possible, voilà. Et quand j'avais pas mon auxiliaire de vie, du coup, ce que je faisais c'est que...A chaque fois que j'avais l'énergie de cuisiner, je cuisinais toujours pour plusieurs repas. Et, je mettais dans des boites dans mon frigo, et ça me servait..Voilà si une fois je fais trois repas identiques, et que plus tard je fais trois autres repas identiques, bah ça me fait six repas sur la semaine. Et après j'alterne, en fonction...Après ça me dérange pas plus que ça de manger plusieurs fois la même chose, donc ça va aussi mais...On développe des petites astuces. Après il y a des astuces aussi, organisationnelles et matérielles. Par exemple...Comment dire ? Par exemple, dans ma cuisine, j'ai une chaise. J'organise mon frigo, j'organise mes courses...J'utilise beaucoup de boîtes de conserve que j'assaisonne. Enfin je veux dire, j'aime pas les réchauffés pures, mais je veux dire au moins...Si c'est juste ajouter quelques oignons et des épices...Bon, ça agrémente un peu. Mais les boîtes de conserve ça m'aide beaucoup, voilà. 

Et ouais c'est vraiment beaucoup d'organisation et de...Limite de charge mentale. Je pense qu'on peut parler de ça...

Ouais absolument. Surtout au début en fait. La charge mentale...Alors mois qui suis très anxieuse, la charge mentale elle a été beaucoup sur, repérer les produits que je peux consommer. Par exemple la margarine, les poêlées de légumes préparés, parfois j'en achète ça, surgelé c'est pas mal. Il y en a quelques unes qui sont vegans, mais il y en a où il faut bien faire attention parce-qu'il y a de la graisse de canard, ou des lardons, ou du beurre, ou du lait ou...Voilà. Donc la charge mentale elle est sur la première année pour moi. Elle a été vraiment la première année. Alors pas quand j'étais végétarienne parce-que j'étais en internat, et il y avait ma mère. Mais l'année, la première année où j'ai vécu toute seule, ça a vraiment été repérer les produits, et se faire des habitudes d'achats. Maintenant, aujourd'hui je sais. Aujourd'hui je passe dans le rayon boîtes de conserve, je sais lesquelles je peux prendre. Et la margarine, les pâtes feuilletés, pâtes brisées...Je sais quelle marque me convient. Donc, on développe de nouvelles habitudes d'achats. Et pareil par rapport à l'organisation des repas, j'ai maintenant on va dire quelques repas en tête faciles. Par exemple un truc bête, mais je sais que j'aime bien les haricots verts avec des échalotes et de l'ail. Voilà je fais revenir les échalotes de l'ail, je mets mes haricots verts. J'aime bien aussi les champignons , il y a Leclerc je crois, et Carrefour ils le font...Des champignons forestiers en conserve. Donc voilà j'aime bien ce genre de choses, paf ça fait un repas. J'ai une recette de lentilles, carottes, et pomme de terre, que pareil je maîtrise.  Donc en fait, au fil des années j'ai établi un panel, je dirais peut-être d'une dizaine de recettes, très basique hein, très simple. Quotidiennes on va dire. Après ça génère des habitudes d'achats au supermarché, et ça génère des habitudes de préparation aussi. Donc, ça facilite quand-même plus tard. Mais effectivement sur la première année...Faire des tableaux de "Qu'est-ce que je mange lundi, mardi, mercredi" se faire des listes de courses, repérer...Alors aujourd'hui c'est aussi plus facile avec le drive, parce-que on a accès aux listes des ingrédients. Il y a dix ans il fallait..Il y a dix ans les drive ça n'existait pas. Ou c'était très marginal. Et il fallait en magasin, passé une demi-heure avec la loupe à lire tous les ingrédients de tous les produits. Aujourd'hui sur le drive on peut accéder à l'étiquette des ingrédients, et donc pré-sélectionnées on va dire, ce qu'on va acheter. Voilà, ça c'est vraiment facilitant. 

Qu'est-ce que tu aurais envie de répondre aux gens qui disent que tout le monde peut devenir vegan, et que c'est pas si compliqué, et que...Voilà ce genre de choses.

A une époque j'aurais pu le penser. Donc je vais être honnête avec ça...C'est un sujet sur lequel je me suis déconstruit, parce-que...Faut dire que, pour nuancer, quand je suis devenu vegan il y a dix ans j'étais adolescente, et que quand on est adolescent on est pas déconstruit sur tous les sujets, et on peut avoir une vision un peu réactionnaire, parfois. Aujourd'hui...On va dire je mets de l'eau dans mon vin. Je pense que, quand on a les bonnes informations, et le bon soutien, c'est facilitant. Mais...Il peut y avoir quand même de bonnes raisons pour, que ce soit entre guillemets "rechuter". Je pense aux personnes qui ont des troubles du comportement alimentaire, des pulsions, qui ont besoin d'aliments de réconfort. Des personnes qui ont des troubles psychiques ou autistiques...Voilà. Il peut y avoir des bonnes raisons, et je pense qu'il faut pas se culpabiliser. Et en fait, je pense qu'il y a deux choses, déjà il faut pas se culpabiliser quand on est en difficulté. Il faut faire les choses par étape, et pas se mettre en difficulté psychologique. Parce-que de toute façon, si on veut que ça devienne une habitude sur le long terme, il faut le faire pour les bonnes raisons. C'est-à-dire pour soi. Et pour soi...Comment dire ? Quand je dis "pour soi", ça peut être pour soi parce-qu'on a des valeurs pour les animaux. Mais il faut que ces valeurs-là elles soient à nous. En conscience, réfléchit, et qu'elles nous sont propres. On le fait pas...On le fait pas pour notre petit copain, on le fait pas pour nos parents, on le fait pas...Voilà. On le fait pas parce-que untel nous a dit telle chose. Si on le fait par rapport aux animaux, on le fait parce-que notre valeur par rapport aux animaux, nous est chère, à nous. Et, et, c'est une forme d'égoïsme...Comment dire ? D'égoïsme qui n'est pas malsain. C'est c'est...C'est vraiment important. Moi je l'ai fait parce-que j'avais envie de mettre mes actes en accord avec mes pensées. Et j'avais envie de m'aligner un petit peu sur, mes valeurs profondes. Et des mettre en pratique ces actes là, dans la mesure où c'était possible pour moi. Et où...Où j'avais, les bonnes resources, le bonne accompagnement, que ce soit par ma famille ou part le soutien que j'ai pu avoir sur Internet etc...Mais je pense qu'il faut vraiment se déculpabiliser. Tout en gardant en tête que...Là je vais nuancer du coup. On peut pas tout autoriser non plus, et qui si on veut être motiver, il faut aussi accepter de se culpabiliser sur certaines choses. C'est à dire qu'il faut avoir l'équilibre, de à la fois se déculpabiliser de tout ce qui est en lien avec la santé, que ce soit la santé physique et mentale. Et en même temps...Garder en tête que on peut faire des efforts. Que bah parfois il y a des choses qu'on peut apporter, et que on peut se motiver, et que il y a des choses qui sont possibles si on va voir les bonnes personnes, les bonnes ressources, qu'on demande de l'aide, etc...Donc, voilà c'est un équilibre à trouver...Personnel. Alors, je pense que le véganisme n'est pas un choix personnel dans le sens où la vie d'animaux est en jeu. Mais, c'est une démarche personnelle. Dans le sens où on vit dans une société qui n'est pas végane, et que c'est une démarche qui va à contre courant de ce que la société nous vend. Et donc, dans ce sens là c'est un effort, qui nous demande de l'énergie. De l'énergie physique, de l'énergie psychologique. Et donc voilà, il faut arriver à trouver son équilibre. Pour d'un côté, avoir conscience que dans l'histoire il y a des animaux qui meurent, et d'un autre côté faire les choses en accord avec sa santé mentale, physique...Autre exemple par rapport à la santé physique, là j'ai vraiment beaucoup abordé le côté psychologique. Mais par exemple, j'ai un ami qui, est paraplégique. Et quand il est en situation d'escarre, c'est-à-dire une partie de sa chair qui pourrie, qui nécrose.  Il a absolument besoin d'un apport très précis et très important en protéine...Voilà, des apports vraiment très spécifiques. Et jusqu'à maintenant il n'a pas réussi à trouver les compléments, et à trouver l'association adaptée quand il est dans cette situation. Et il se voit obligé de manger de la viande, parce-que sinon il arrive pas à guérir de cette situation très problématique. Et là clairement, ça met sa santé en danger de façon très importante. Et donc je peux pas lui en vouloir de manger des animaux parce-que...Parce-que là, sa situation elle est en danger. Pareil si on parle des médicaments. Les traitements, que ce soit...Y compris les traitements anti-douleurs. Parce-qu'il y a beaucoup de gens qui disent "Ouais mais c'est bon la douleur, franchement tu pourrais te passer des anti douleurs quoi. C'est pas comme si c'était un médicament pour le coeur, ou c'est pas comme si c'était un médicament contre le cancer" ou je ne sais quoi. Y compris les anxiolytiques, les antidépresseurs etc...Parce-que pareil il y a des gens qui peuvent avoir des discours très néfastes. Qui vont te dire "Oh bah ça va, tu peux faire sans" Mais non. Voilà. C'est des médicaments, certes qui ont été testés sur animaux, certes qui parfois contiennent de la gélatine dans les gélules, ou qui utilisent des animaux dans le procédé de fabrication. Mais, il faut aussi avoir le juste raisonnement, et se dire que c'est pas là le...Le plus important. Le plus important c'est effectivement de ne pas se surmédicamenter inutilement. Voilà, si on peut éviter de prendre un médicament, parce-que la situation fait que c'était pas vraiment nécessaire, bon bah on évite de le prendre et puis voilà. Mais par contre quand on en a vraiment besoin. Y compris les anti-douleurs, j'y tiens. Bah on les prend. Et je pense qu'il faut pas se culpabiliser à se médicamenter quand c'est nécessaire pour notre santé, parce-que...Il faut aussi dire...Bah si on meurt, si on est en mauvaise santé parce-que, on fait pas ce qu'il faut, y compris en terme de régime alimentaire et de médicament...Et ben on pourra pas...On pourra pas manifester, on pourra pas lutter pour le changement du système. On pourra pas discuter avec d'autres personnes, et peut-être les faire changer d'avis. Et on pourra pas faire notre vie telle qu'on mérite de la vivre. Donc...Voilà. Mon avis il est nuancer, mais quand même dans le sens où il faut pas non plus se mettre en danger, et notre vie compte. Et il faut aussi arrêter de culpabiliser en permanence le consommateur. Alors le consommateur a un poids. Quand on va acheter de la viande, bah on a un poids qui s'appelle de l'argent. Et de la consommation. Mais sur toutes les petites choses...Qui sont pas si petites hein parce-que...Les tests sur les animaux, dans l'industrie pharmaceutique, c'est pas petit hein, c'est des milliers d'animaux. Mais, c'est pas en arrêtant de nous supplémenter, de prendre nos médicaments etc...Qu'on arrivera à faire passer les lois pour mettre en place les méthodes de test et les recherches alternatives... Voilà, je pense qu'il faut pas se tromper de combat. Le combat il es sûr faire pression sur les députés, sur les laboratoires pour demander au gouvernement de légiférer sur les tests sur animaux. De restreindre au stricte minimum, de développer les alternatives quand c'est possible...Parce-que parfois c'est possible. Et bon parfois c'est une question de coût, et pour les laboratoires ça coute moins cher de faire des tests sur animaux que de développer des alternatives. Mais je pense que c'est sur ce combat là, qu'il faut concentrer nos efforts, et pas sûr "Oh t'es malade c'est toi qui fait que les animaux sont malheureux" tu vois. Et testés en laboratoire. C'est pas toi. 

Quels conseils tu donnerais à des personnes handicapé.e.s qui voudraient devenir veganes ou végétariennes ?

Alors, premièrement je dirais bien se renseigner, en amont. Sur des sites reconnus. Faire très attention aux sectes, et apparentées de type Casanova, ou régime hyper stricte, ou régime voilà un peu...Sois disant miracle par rapport... Enfin, je sais qu'en tant que personne malade chronique, on m'a souvent dirigé vers des choses, un peu douteuses. Surtout voilà, quand on est dans le milieu militant un peu écologiste, on peut avoir des mauvaises rencontres. Ou des rencontres de personnes persuadées que tel ou tel régime va changer notre vie. Donc, première chose bien se renseigner. Sur comment on fait pour équilibrer son régime alimentaire. Sur la supplémentation en B12. Très très important. Éventuellement des supplémentations en d'autres choses, si dans le cadre de la maladie chronique, ou du handicap, il peut y avoir des difficultés. Moi par exemple, j'ai des problèmes d'absorption avec la vitamine D. Donc voilà, je suis vigilante, là dessus. Faire attention à l'iode aussi. Ca veut pas dire qu'on sera systématiquement carencé en tant que végétarien ou vegan, mais ça coûte rien d'avoir un petit point de vigilance. Surtout quand on peut avoir des pathologies associées qui peuvent rendre difficiles la digestion, ou des choses comme ça. Voilà, bien se renseigner. Deuxième chose, demander de l'aide. Donc sur Facebook il y a un groupe "Végétariens végétaliens non valides". Alors, Le groupe est pas très très actif, mais il faut pas hésiter à demander de l'aide. Mais sur les groupes classiques aussi. Parfois on risque d'y rencontrer des personnes qui vont être un peu rentre-dedans et qui vont pas forcément être bienveillantes par rapport aux difficultés qu'on peut éprouver en tant que personne en situation de handicap. Mais, il faut pas abandonner, il y a des gens bienveillants, il y a des gens qui pourront donner des conseils, des astuces. Donc voilà, demandez de l'aide, demandez conseil. Et si vous êtes reconnu.es par la MDPH, et que vous avez des difficultés à préparer vos repas. Peut-être lors du renouvellement de votre dossier, ou éventuellement, remonter un dossier spécifiquement pour ça. Demander la prestation de compensation du handicap pour une aide humaine. Pour spécifiquement la préparation des repas, pour la découpe des légumes etc...Voilà. Ca peut être aussi, sur le plan psychologique ça peut être aussi une aide pour organiser des repas types, des semaines types. Je sais qu'il y a l'association Végétarienne de France qui met en ligne des calendriers avec des propositions de semaines types. Qui sont pas forcément à prendre au pied de la lettre, mais qui peuvent donner une structure, à des personnes qui en ont besoin. Voilà.

Ouais je pense que c'est important de parler des compléments alimentaires tout ça parce-que...On pense souvent à la B12, mais on pense rarement aux autres. Je sais que moi avec mon handicap, j'ai des difficultés à fixer le fer, donc je prends aussi des compléments en fer et tout ça. Mais ouais, c'est vrai que c'est important d'en parler. Il n'y a pas que le B12. 

C'est ça. Méfiez-vous...Méfiez-vous des compléments naturels aussi, qui parfois sont pas adaptés. Je pense par exemple à la Spiruline qui, pour l'apport en B12, n'est pas adaptée. Voilà, renseignez vous bien sur la B12, parce-qu'il y a plusieurs formes. La methyl qui est controversée, la cyano qui semble plus, plus adaptée. Je suggère aussi d'en parler à votre médecin. Si vous avez un handicap de type maladie invalidante, qui pourrait...Comment dire ? Être impacté par un changement de régime alimentaire. Parlez-en aussi à votre praticien. Alors, c'est vrai que tous les praticiens sont pas forcément bien informés sur la B12. Ils sont pas forcément bien informés sur ce régime et sa mise en œuvre. Mais il connaît votre pathologie, il connaît votre handicap, il vous connaît. Et il pourra peut-être quand même donner des pistes ou apporter des points de vigilances...Voilà.

Là on arrive à la dernière question, qui est la question recommandation culturelle. Du coup, est-ce que tu aurais des recommandations à faire sur le véganisme, ou le végétarisme, ou le handicap en général ?

Alors sur le végétarisme, véganisme, les livres de Marie Laforêt m'ont beaucoup aidé. Elle en a une collection assez conséquente, donc après il faut piocher un petit peu dans, selon ce qu'on cherche. Mais les recettes sont globalement bien faisables parce-que...Parfois il y a des recettes qui sont très complexes et qui demandent des ingrédients, difficiles à se procurer. Globalement les livres de Marie Laforêt, j'en ai pas été déçue sur les recettes, et notamment aussi sur leurs facilité à être mises en œuvre.  Sur le handicap, je serais pas trop dire. Voilà la recommandation que je peux faire c'est éventuellement faites vous accompagnez pour la demande de PCH. Je sais qu'il y a l'association des paralysés de France, maintenant ils disent seulement APF France Handicap. On un service d'aide justement par rapport au dossier MDPH. Et qui accompagne pas seulement les personnes paralysées. Parce-qu'en fait au départ c'était effectivement centré sur les personnes paralysées, mais aujourd'hui APF France Handicap, ils se sont quand même assez généralisé dans le handicap. Et je sais qu'ils peuvent apporter de l'aide sur la constitution du dossier MDPH.Si il faut faire un recours contentieux, si jamais les aides vous ont pas été accepté. Voilà donc, je sais que moi ils m'ont donné un petit coup de main, et ça peut, ça peut être bien. 

Du côté du handicap, je vous recommande  la chaîne YouTube Vivre Avec. Matthieu y parle dans ses vidéos de son quotidien en tant que personne malade chronique, mais aussi  de son vécu en tant que personne queer faisant partie de la communauté LGBTQ+. Sur le sujet du végétarisme il a notamment fait une vidéo sur la gastroparésie où il explique comment ce trouble digestif à changer son rapport à la nourriture.

Merci beaucoup d'avoir participer

Ben avec plaisir. Merci de m'avoir donné la parole. 

Merci à vous d'avoir écouté ce nouvel épisode de H comme Handicapé.e.s. Il ne reste plus que deux épisodes avant la fin de cette première saison, mais je suis déjà en train de travailler sur une saison 2 pour la rentrée 2021. Mais avant ça je vous donne rendez-vous le 31 mai pour le cinquième épisode où l'on parlera  d'accès à la culture pour les personnes handicapé.e.s

Recommandations culturelles :

Les livres de Marie Laforêt
Disponibles d'occasion sur Rakuten

Chaine YouTube : Vivre Avec
Vidéo sur la gastroparésie